9 février 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-84.939

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:CR00171

Texte de la décision

N° P 20-84.939 F-D

N° 00171


CK
9 FÉVRIER 2021


IRRECEVABILITE


M. SOULARD président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 9 FÉVRIER 2021



M. Y... X... a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 5 mai 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 5 octobre 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. Y... X..., et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. X... a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire le 7 octobre 2019.

3. Par courrier recommandé avec accusé de réception parvenu et enregistré au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen le 10 avril 2020, l'avocat de M. X... a saisi cette même juridiction d'une requête en annulation de pièces de la procédure.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de la requête en nullité de M. X... reçue le 10 avril 2020, alors :

« 1°/ que les délais de procédure sont prorogés lorsque la personne concernée a été, en raison d'un événement de force majeure ou d'un obstacle invincible indépendant de sa volonté, dans l'impossibilité absolue d'accomplir en temps utile les diligences prévues par la loi ; qu'il résulte des pièces de la procédure que la requête en nullité de M. X..., réceptionnée par le greffe le 10 avril 2020, soit trois jours après la date d'expiration du délai légal, avait été expédiée par pli recommandé dès le 26 mars 2020 ; qu'en l'état d'un tel délai d'acheminement anormalement long, dû au ralentissement des services postaux durant la période d'état d'urgence sanitaire, cette requête était recevable ; qu'en retenant le contraire, au motif inopérant que ce retard n'était pas dû à « des circonstances internes au service de la justice ou à l'organisation de la juridiction », le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé les articles 173-1 du code de procédure pénale et 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en statuant ainsi sans s'expliquer sur le courriel adressé par le conseil de M. X... le 8 avril 2020 qui précisait avoir expédié sa requête en nullité dès le 26 mars 2020 en joignant la preuve du dépôt de ce pli tamponné par La Poste, le président de la chambre de l'instruction a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que l'irrecevabilité opposée à la requête en nullité de M. X..., décidée sans égard au délai d'acheminement anormalement long causé par le ralentissement imprévisible des services postaux durant la période d'état d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, porte une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge en violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ qu'en toute hypothèse, durant la période d'état d'urgence sanitaire déclarée par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, les délais fixés par les dispositions du code de procédure pénale pour l'exercice des voies de recours ont été doublés ; qu'une requête en nullité constituant une voie de recours, la requête de M. X... ne pouvait être jugée irrecevable au motif qu'elle avait été réceptionnée par le greffe deux jours après l'expiration du délai de six mois prévu par l'article 173-1 du code de procédure pénale ; qu'en statuant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a commis un excès de pouvoir en violation de ce texte, de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 et de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

5. Seule la date de réception au greffe de la cour d'appel d'une requête en annulation de pièces de la procédure doit être retenue pour le calcul du délai de six mois fixé à l'article 173-1 du code de procédure pénale, lequel ne peut être prorogé qu'en application de l'article 801 de ce même code ou s'il est établi par la personne mise en examen qu'elle a été absolument empêchée d'agir par une circonstance indépendante de sa volonté, cas de force majeure ou obstacle invincible.

5. Pour dire n'y avoir lieu à saisir la chambre de l'instruction de la requête présentée par M. X..., l'ordonnance attaquée énonce que ce dernier ayant été mis en examen le 7 octobre 2019, il disposait d'un délai expirant le 7 avril 2020 pour formuler une requête sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale, dès lors que les moyens de nullité présentés étaient pris de l'irrégularité d'actes antérieurs à cette mise en examen.

6. Le juge relève que la requête, adressée par lettre recommandée avec accusé de réception, a été reçue le 10 avril 2020, sans que le retard dans sa transmission soit imputable à des circonstances internes au service de la justice ou à l'organisation de la juridiction et conclut à son irrecevabilité.

7. En statuant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans excéder ses pouvoirs.

8. En effet, en premier lieu, si la requête a été envoyée par lettre recommandée postée le 26 mars 2020, M. X..., qui s'est borné, pour en solliciter l'examen malgré son caractère tardif, à invoquer en termes généraux le contexte exceptionnel actuel et le ralentissement conséquent des services postaux comme étant seuls à l'origine de ce retard important, n'a pas fait la démonstration de l'existence d'un obstacle invincible à la saisine de la chambre de l'instruction dans le délai requis.

9. En deuxième lieu, l'article 173-1 du code de procédure pénale n'est pas contraire à l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, qui ne s'oppose pas à une réglementation de l'accès des justiciables à une juridiction de recours qui vise à une bonne administration de la justice.

10. Enfin, le délai de six mois imparti par l'article 173-1 du code de procédure pénale à la personne mise en examen pour faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même, à compter de la notification de sa mise en examen, ne s'interprète pas comme un délai de recours et n'entre pas dans les prévisions de l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.

10. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

11. Il s'ensuit que le pourvoi est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE le pourvoi irrecevable ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf février deux mille vingt et un.

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