12 septembre 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 23-83.806

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2023:CR01125

Titres et sommaires

DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Motifs - Nécessité au regard d'objectifs énumérés par l'article 144 du code de procédure pénale - Motifs non visés dans une précédente décision - Absence d'influence

Aucune disposition législative ou conventionnelle n'interdit aux juges de fonder la nécessité de la détention provisoire au regard d'objectifs énumérés par l'article 144 du code de procédure pénale qui n'auraient pas été visés par une précédente décision concernant la détention de la même personne, dans la même procédure, dès lors que leur décision est fondée sur des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure dont il ressort, au jour où ils statuent, que la détention provisoire est l'unique moyen de parvenir à certains des objectifs prévus par ce texte et que ceux-ci ne sauraient être atteints par un placement sous contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique

Texte de la décision

N° U 23-83.806 F-B

N° 01125


MAS2
12 SEPTEMBRE 2023


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 12 SEPTEMBRE 2023



M. [E] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 9 juin 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [E] [D], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 20 novembre 2021, M. [E] [D] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire.

3. Une première prolongation de la détention provisoire est intervenue par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du 3 novembre 2022.

4. Par une ordonnance du 19 mai 2023, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire pour une durée supplémentaire de six mois.

5. M. [D] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche


6. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen d'annulation présenté par la défense, dit l'appel mal fondé et confirmé l'ordonnance du 19 mai 2023 par laquelle le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [D] et son maintien sous mandat de dépôt, alors :

« 1°/ que les dispositions des articles 137-3 et 144 du code de procédure pénale, en ce qu'elles permettent au juge des libertés et de la détention et à la chambre de l'instruction de fonder une décision de prolongation ou de maintien en détention provisoire sur un critère pourtant écarté ou jamais mobilisé antérieurement, apparaissent contraires au droit à la sûreté garanti par les articles 2 et 7 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen et 66 de la Constitution de 1958 ; que sur la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct, le Conseil constitutionnel abrogera les dispositions litigieuses, ce qui privera l'arrêt attaqué de fondement légal et entraînera sa cassation ;


3°/ qu'il en va d'autant plus ainsi qu'en retenant que « le placement en détention provisoire de [E] [D] constitue l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ; d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ; [?] de garantir son maintien à la disposition de la justice [et] de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement », quand elle ne pouvait elle-même fonder sa décision sur aucun de ces critères, écartés ou jamais mobilisés au cours de la procédure, la Chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé les articles 5, § 1, c), de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble les articles 137, 144, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

8. La Cour de cassation ayant, par arrêt de ce jour, dit n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, le grief est devenu sans objet.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

9. Pour confirmer la prolongation de la détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce que M. [D], qui est mis en cause pour avoir joué un rôle actif dans une organisation criminelle de haut niveau et qui a mis en oeuvre des techniques avancées pour échapper aux surveillances, ne semble pas souhaiter coopérer à la manifestation de la vérité, alors qu'un risque de concertation frauduleuse avec ses co-mis en examen est à craindre et que des interpellations et perquisitions demeurent à envisager.

10. Les juges relèvent que l'intéressé n'a aucun ancrage familial ou professionnel, est capable de mobilité géographique, avec le support logistique d'une organisation financièrement puissante, et qu'il présente, au regard des enjeux de la procédure, un risque de fuite avéré que la seule perspective d'un retour à l'hébergement antérieur à son interpellation ne saurait suffire à prévenir.

11. Ils soulignent que le risque de renouvellement de l'infraction est important au regard du caractère hautement lucratif du trafic concerné et de l'absence de toute justification d'une activité licite, la promesse de contrat de travail produite n'apparaissant pas sérieuse.

12. Ils retiennent que les faits reprochés, qui consistent en des importations de quantités très importantes de drogues dures, génèrent une puissante économie parallèle elle-même à l'origine de nombreuses infractions.

13. Les juges en déduisent que la détention provisoire est l'unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels nécessaires à la manifestation de la vérité, d'empêcher une pression sur les témoins ou victimes et sur leurs familles et une concertation avec les co-auteurs ou complices, de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice, de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement et de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public occasionné par l'infraction, ces objectifs ne pouvant être atteints par un placement sous contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique.

14. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.

15. En premier lieu, aucune disposition législative ou conventionnelle n'interdit aux juges de fonder la nécessité de la détention provisoire au regard d'objectifs énumérés par l'article 144 du code de procédure pénale qui n'auraient pas été visés par une précédente décision concernant la détention de la même personne, dans la même procédure, dès lors que leur décision est fondée sur des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, au jour où ils statuent.

16. En second lieu, la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale, dont il ressort que la détention provisoire de M. [D] est l'unique moyen de parvenir à certains des objectifs figurant à l'article 144 de ce code et que ceux-ci ne sauraient être atteints par un placement sous contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille vingt-trois.

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