2 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 24-82.116

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CR00680

Texte de la décision

N° C 24-82.116 F-B

N° 00680


AO3
2 MAI 2024


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 MAI 2024


M. [S] [K], se disant [S] [K] [T], a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 27 mars 2024, qui a prononcé sur la demande des autorités judiciaires britanniques présentée en exécution du mandat d'arrêt décerné en application de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni du 24 décembre 2020.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [S] [K], se disant [S] [K] [T], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Oriol, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [S] [K], se disant [S] [K] [T], de nationalité irlandaise, a été interpellé le 14 décembre 2023, en France, en vertu d'un mandat d'arrêt décerné à son encontre par les autorités britanniques, le 9 mars 2022, en application de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni du 24 décembre 2020. Ce mandat a été délivré aux fins de l'exercice de poursuites pénales notamment des chefs d'association de malfaiteurs afin de fournir de la cocaïne, de l'héroïne et du crack, drogues contrôlées de classe A.

3. L'intéressé, qui n'a pas consenti à sa remise, a été placé sous écrou extraditionnel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches


4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens et ordonné la remise aux autorités judiciaires du Royaume-Uni de M. [S] [K], se disant [S] [K] [T], alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 49 3°) de la Charte des droits fondamentaux que l'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction ; que pour qu'une peine prévue par un système judiciaire étranger soit considérée proportionnée au sens de ce texte, il appartient au juge, saisi d'une demande de remise d'une personne à une autorité judiciaire étrangère en vertu d'un mandat d'arrêt émise par celle-ci, de s'assurer qu'elle n'est pas excessive compte tenu de la gravité des faits visés, et ce en comparaison avec la peine prévue par la loi française en répression des mêmes faits ; que l'infraction de participation à une association de malfaiteurs reprochée à M. [K], punie par l'article 450-1 du code pénal de dix années d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, est réprimée au Royaume-Uni par une peine d'emprisonnement à perpétuité ; qu'ainsi, au regard du droit français et du droit de l'Union, la peine prévue par la loi pénale britannique pour cette infraction est manifestement disproportionnée ; qu'en rejetant le moyen tiré de la violation de la Charte, aux motifs inopérants que l'article 49 3°) de ce texte concerne les peines prononcées lors d'une condamnation et qu'en l'espèce, le mandat d'arrêt a été délivré aux fins de poursuites, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision, en violation de ce texte et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en application de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 604 a) de l'Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, il appartient à l'Etat requis de demander expressément à l'Etat requérant la garantie qu'il réexaminera la peine sur demande ou maximum après 20 ans, ou qu'il encouragera l'application de mesures de clémence ; que l'octroi d'une telle garantie ne peut être qu'un acte émanant du pouvoir exécutif et ne peut résulter d'une assurance judiciaire ; qu'ainsi, le seul fait que le juge ayant délivré le mandat d'arrêt ait coché, sur ce mandat, la case relative au réexamen sur demande ou au plus tard après 20 ans n'apporte aucune garantie réelle de ce réexamen dès lors que ce magistrat, membre du pouvoir judiciaire, n'est pas habilité à donner l'assurance diplomatique d'un réexamen d'une peine d'emprisonnement à perpétuité ; qu'en ordonnant néanmoins la remise de M. [K], sans que l'Etat requérant ait donné les garanties suffisantes de réexamen, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 604 a) de l'Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

6. Pour rejeter le moyen pris de la contrariété à l'ordre public français de la peine qui pourrait être prononcée au Royaume-Uni, en raison de sa disproportion avec la peine prévue par la loi pénale française, et ordonner la remise, l'arrêt attaqué énonce notamment que la procédure de remise est régie par les seules dispositions de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni du 24 décembre 2020.

7. Les juges relèvent en outre que cet accord ne prévoit pas un motif de refus fondé sur une peine encourue contraire à l'ordre public français.

8. En se déterminant par ces seuls motifs, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.



9. En effet, le caractère éventuellement disproportionné de la peine encourue dans l'État d'émission ne figure pas parmi les motifs de non-exécution d'un mandat d'arrêt décerné en application de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni du 24 décembre 2020.

10. Ainsi, le grief doit être écarté.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

11. Selon l'article 604, a, de l'Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni du 24 décembre 2020, si l'infraction qui est à la base du mandat d'arrêt est punie par une peine ou une mesure de sûreté privative de liberté à perpétuité dans l'État d'émission, l'État d'exécution peut notamment subordonner l'exécution du mandat d'arrêt à la condition que l'État d'émission garantisse, d'une manière suffisante, qu'il réexaminera la peine infligée ou la mesure imposée, sur demande ou au plus tard après vingt ans.

12. Pour écarter le moyen tiré de la violation des dispositions précitées ainsi que de celles de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et ordonner la remise, l'arrêt attaqué constate d'abord qu'un arrêt avant dire droit a ordonné un complément d'information afin que, pour le cas où l'intéressé serait condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité, les autorités britanniques transmettent des précisions sur les possibilités de réexamen, de suspension ou de commutation de la peine, de libération du détenu et leurs conditions dans le droit national britannique.

13. Les juges relèvent ensuite, par des motifs non critiqués, que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la peine de réclusion à perpétuité prononcée en droit britannique n'est pas incompressible au sens dudit article 3, et que les modalités de réexamen confiées au pouvoir exécutif sont conformes à la Convention.

14. Ils ajoutent qu'au regard de l'engagement pris par les autorités britanniques, conforté par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, il y a lieu de considérer que la peine encourue n'est pas incompressible.

15. Ils accordent, dans le dispositif de leur décision, la remise sans condition.

16. Les juges n'ont ainsi pas fait usage de la faculté qui leur était offerte de subordonner l'exécution du mandat d'arrêt à la condition que l'État d'émission garantisse, d'une manière suffisante, qu'il réexaminera la peine infligée à la personne recherchée, sur demande ou au plus tard après vingt ans.

17. Le grief, inopérant en ce qu'il est pris de la violation de l'article 604, a, de l'Accord précité, dont la chambre de l'instruction n'a pas fait application, est infondé pour le surplus.

18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du deux mai deux mille vingt-quatre.

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