24 avril 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-82.646

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CR00474

Titres et sommaires

ESCROQUERIE

Le moyen, critiquant la détermination du propriétaire d'un véhicule loué, est inopérant pour juger de l'existence d'une tentative d'escroquerie au jugement qui a pour seul objet une décision juridictionnelle susceptible d'opérer obligation ou décharge au sens de l'article 313-1 du code pénal

Texte de la décision

N° N 22-82.646 F-B

N° 00474


MAS2
24 AVRIL 2024


REJET


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 24 AVRIL 2024


La société [3] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 1er avril 2022, qui, pour tentative d'escroquerie, l'a condamnée à 1 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [3], les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [2], représentée par la société [1] prise en la personne de M. [M] [X], mandataire liquidateur, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société [2] a porté plainte et s'est constituée partie civile des chefs de faux, usage et escroquerie au jugement, en raison de la production devant le tribunal de commerce de documents, qu'elle suspectait d'être contrefaits, lors d'un litige l'opposant à la société [3] à laquelle elle avait loué un véhicule.

3. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a renvoyé la société [3] devant le tribunal correctionnel du seul chef de tentative d'escroquerie.

4. La société [3] a été condamnée par le tribunal correctionnel pour ce délit.

5. La prévenue et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le second moyen, pris en sa seconde branche


6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [3] coupable de tentative d'escroquerie, alors :

« 2°/ que la caractérisation du délit d'escroquerie suppose que la remise s'effectue au préjudice de la personne trompée ou au préjudice d'un tiers ; que l'escroquerie n'est pas constituée lorsque le bien détourné appartient au prévenu ; qu'en déclarant la SA [3] coupable de tentative d'escroquerie au jugement au motif que les productions de copies des documents falsifiés relatifs au contrat de location longue durée devant le tribunal de commerce « étaient bien de nature à causer un préjudice à la S.A.R.L [2] puisqu'elles visaient à la priver de son droit de propriété sur le véhicule utilitaire » (arrêt, p. 12, § 6), sans répondre à l'argumentation développée par la société prévenue dans ses écritures régulièrement déposées dans lesquelles elle faisait valoir que le contrat de location longue durée, par nature, n'implique pas de transfert de propriété, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 121-4, 121-5, 313-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Le moyen, critiquant la détermination du propriétaire du véhicule loué, est inopérant pour juger de l'existence d'une tentative d'escroquerie au jugement qui a pour seul objet une décision juridictionnelle susceptible d'opérer obligation ou décharge au sens de l'article 313-1 du code pénal.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [3] coupable de tentative d'escroquerie, alors :

« 1°/ qu'en déclarant la SA [3] coupable de tentative d'escroquerie au jugement en retenant que « les faits délictueux [ont] été commis pour le compte de la société [3] par M. [B] [H], directeur juridique » (arrêt, p.13, § 2), lorsque ce dernier n'avait pas été visé comme organe ou représentant de la société au titre de la prévention, ni identifié comme tel par le jugement frappé d'appel, la SA [3] n'a pas été mise en mesure de se défendre utilement, en violation des articles 121-2, 121-4, 121-5, 313-1 du code pénal et 591 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

10. Pour déclarer la société [3] coupable de tentative d'escroquerie, l'arrêt attaqué énonce que M. [B] [H], directeur juridique de la société, est tenu de connaître les dispositions légales, de les faire appliquer dans son service ainsi que de déterminer les modalités de traitement et de suivi des procédures contentieuses, et qu'il ne pouvait ainsi ignorer que le document recréé informatiquement pour les besoins du litige commercial, afin de remplacer le contrat original qui faisait défaut, constituait un faux.

11. Ils retiennent que M. [H] a, en effet, validé a posteriori la création informatique de ce contrat, sa production, ainsi que celle de pièces falsifiées, au soutien de l'assignation de la société [2] devant la juridiction commerciale.





12. Ils concluent que les faits délictueux ont été commis pour le compte de la société [3] par le directeur juridique de celle-ci qui dispose de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de la mission que lui a donnée le représentant légal de la société qui l'a d'ailleurs chargé de représenter cette dernière dans le cadre de la procédure pénale.

13. En se déterminant ainsi, dès lors que l'identification de la personne ayant la qualité d'organe ou de représentant, ayant commis l'infraction pour le compte de la personne morale, n'a pas à être obligatoirement énoncée dans la citation et que seule la responsabilité pénale de la personne morale étant recherchée, la détermination de l'organe ou du représentant de celle-ci était nécessairement dans les débats, mettant ainsi la société [3] en mesure de s'en expliquer, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que la société [3] devra payer à la société [2], représentée par la société [1] prise en la personne de M. [M] [X], mandataire liquidateur, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.

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