25 avril 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 22/02381

9ème chambre 3ème section

Texte de la décision

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 3ème section


N° RG 22/02381 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWD3U

N° MINUTE : 2


Assignation du :
15 Février 2022









JUGEMENT
rendu le 25 Avril 2024
DEMANDEUR

Monsieur [H] [I]
Chez Maître Paul SORIN
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représenté par Me Paul SORIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0888

DÉFENDERESSE

DIRECTEUR DES FINANCES PUBLIQUES
DIRECTION RÉGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES D’IDF ET DU DEPARTEMENT DE PARIS
Pôle gestion fiscale, pôle juridictionnel judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représenté par son inspecteur muni d’un pouvoir spécial


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente
Monsieur MALFRE, Vice-président
Monsieur BERTAUX, Juge
Décision du 25 Avril 2024
9ème chambre - 3ème section
N° RG 22/02381 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWD3U


assistés de Sandrine BREARD, Greffière, lors des débats et de Claudia CHRISTOPHE, Greffière, lors de la mise à disposition,


DÉBATS

A l’audience de plaidoirie du 21 Mars 2024 tenue en audience publique devant Madame CHARLIER-BONATTI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.


JUGEMENT

rendu publiquement par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort




EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [H] [I] a fait l'objet d'une demande d'informations et de justifications prévue à l’article L. 23 C du livre des procédures fiscales relative à l'origine et aux modalités d'acquisition d'avoirs figurant sur des comptes ouverts à l’étranger.

L’administration fiscale lui a adressé une demande d'informations et de justifications en date du 14 février 2014 concernant des avoirs détenus à l'étranger et figurant sur des comptes non déclarés.

Celle-ci a été envoyée en premier lieu au [Adresse 2], mais ce courrier est revenu à l’administration fiscale, porteur de la mention « pli avisé et non réclamé ››. Celui-ci a été par suite renvoyé le 13 mars 2014 au [Adresse 4], autre adresse connue à laquelle le contribuable était également imposé à la taxe d'habitation.

En l'absence de réponse à cette demande d'informations et de justifications et en application des dispositions combinées des articles L. 23 C et L. 71 du livre des procédures fiscales, Monsieur [I] a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office.

L’administration fiscale lui a notifié un rappel de droits de mutation à titre gratuit de 169 789 € au titre de l’année 2014 par une proposition de rectification en date du 8 décembre 2014.

Ce rappel a été mis en recouvrement le 18 mai 2015 et adressé au [Adresse 2] ; un avis a également été adressé au [Adresse 4], le 2 juin 2016.

Le conseil de Monsieur [I] a effectué une réclamation en faveur de l’intéressé en date du 26 juillet 2016.


Par décision en date du 23 décembre 2021, l’administration fiscale a pris une décision de rejet.

Par assignation du 15 février 2022, Monsieur [I] a saisi le tribunal.

Par conclusions en date du 6 décembre 2023, Monsieur [I] demande au tribunal de :

DIRE ET JUGER recevable et bien fondé Monsieur [H] [I] en l’ensemble de ses demandes, se faisant ;

CONSTATER comme irrégulière la décision de rejet de réclamation en date du 28 décembre 2021 ;

En conséquence,

CONSTATER que la procédure à l’encontre de Monsieur [I] apparaît irrégulière, à défaut de respecter les dispositions prévues à l’article R*198-10 du Livre des Procédures Fiscales ;

CONDAMNER la Direction Régionale des Finances Publiques d’Ile de France et de Paris aux entiers dépens.

Monsieur [I] a contesté en premier lieu, dans son assignation précitée, la régularité de l’avis de mise en recouvrement en date du 18 mai 2015 en faisant valoir que celui-ci n'a pas été envoyé à sa dernière adresse connue par l’administration fiscale. Il a indiqué par conséquent qu'il n'avait jamais reçu le pli correspondant. Il en a conclu que, compte tenu de l’irrégularité en cause, cet avis de mise en recouvrement n’avait donc pu valablement interrompre la prescription.

En outre, il fait valoir, que l’administration fiscale aurait dû avant l’envoi du deuxième avis de mise en recouvrement en date du 2 juin 2016, l’informer de l'annulation du précédent avis de mise en recouvrement du 18 mai 2015 et de son intention de procéder à l’envoi d'un nouvel avis.

Il expose également que l’administration fiscale n'a pas respecté les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article R* 198-10 du livre des procédures fiscales, dès lors qu’elle n'a pas répondu dans le délai de six mois suivant la réception de sa réclamation contentieuse et qu'elle ne l'a pas informé du délai complémentaire de trois mois nécessaire à l’instruction de cette dernière. Il en déduit que la totalité de la procédure engagée à son encontre serait irrégulière.

Enfin, il soutient que la mise en oeuvre des dispositions prévues aux articles L. 23 C du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts serait irrégulière, dès lors que l’administration fiscale a cumulé le montant total des avoirs figurant sur les comptes ouverts à l’étranger litigieux alors qu'elle aurait dû individualiser les montants compte par compte.




Dans ses conclusions récapitulatives n°2 signifiées le 9 octobre 2023, l’administration fiscale demande au tribunal de :

Débouter Monsieur [I] de sa demande ;

Confirmer la décision de rejet du 23 décembre 2021 ;

Confirmer le rappel effectué par l’administration ;

Rejeter la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Le condamner en outre à tous les dépens de l’instance et dire qu’en toute hypothèse, les frais entrainés par la constitution d’un avocat resteront à sa charge.

L’administration fiscale sollicite le rejet de tous ces moyens.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 décembre 2023 avec fixation à l’audience de plaidoirie du 21 mars 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 25 avril 2024.



SUR CE

I. Sur l’irrégularité de l'avis de mise en recouvrement en date du 18 mai 2015 :

Monsieur [I] conteste la régularité de l’avis de mise en recouvrement émis à son encontre en date du 18 mai 2015 en faisant valoir que celui-ci n'a pas été envoyé à sa dernière-adresse connue. Il déclare par conséquent n'avoir jamais reçu le pli.

Il résulte des dispositions de l'article L. 181-0 du livre des procédures fiscales que : “Par exception au premier alinéa de l'article L. 180 et à l'article L. 181, le droit de reprise de l'administration relatif aux impôts et droits qui y sont mentionnés peut s'exercer jusqu'à l'expiration de la dixième année suivant celle du fait générateur de ces impôts ou droits quand ils sont assis sur des biens ou droits mentionnés aux articles 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du code général des impôts, sauf si l'exigibilité des impôts ou droits relatifs aux biens ou droits correspondants a été suffisamment révélée dans le document enregistré ou présenté à la formalité.”

Au cas présent, lors de la procédure de contrôle et de rectification, l’administration fiscale a adressé l’ensemble des pièces de procédure aux deux adresses connues du contribuable, à savoir au [Adresse 2] et au [Adresse 4].



Le délai de prescription n'était pas expiré à la date de notification de l’avis remise en recouvrement du 2 juin 2016 qui est effectivement parvenu à son destinataire, ce dernier ayant reçu l’avis de mise en recouvrement adressé à sa nouvelle adresse.

Ce moyen sera donc rejeté.

II. Sur l’absence d'information de Monsieur [I] préalablement à l'envoi de l'avis de mise en recouvrement :

Monsieur [I] fait valoir que l'administration fiscale aurait dû, préalablement à l’envoi du deuxième avis de mise en recouvrement en date du 2juin 2016, l’informer de l'annulation du précédent avis en date du 18 mai 2015, qui était selon lui irrégulier, et de son intention de procéder à l’envoi d'un nouvel avis de mise en recouvrement.

Or il apparaît que l’administration fiscale a seulement procédé à l'envoi du même avis aux deux adresses connues de Monsieur [I].

Par conséquent, aucune information préalable n'était nécessaire à ce titre.

Ce moyen sera donc rejeté.

III. Sur le délai complémentaire d’instruction de la réclamation :

L’article R*198-10 du livre des procédures fiscales prévoit toutefois que si l’administration fiscale n’est pas en mesure de statuer dans le délai de six mois, elle doit, avant l’expiration de ce délai, en aviser le contribuable en précisant le terme du délai complémentaire qu’elle estime nécessaire pour prendre sa décision ; ce délai complémentaire ne peut excéder trois mois.

Monsieur [I] expose que l’administration fiscale n'a pas respecté les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article R*198-10 du LPF dès lors qu'elle n'a pas répondu dans le délai de six mois après la réception de sa réclamation contentieuse en date du
26 juillet 2016.

Monsieur [H] [I], par l’intermédiaire de son conseil, a effectué une réclamation en date du 26 juillet 2016.

Lorsque l’administration fiscale, dans le délai de six mois qui lui est imparti, n'a ni statué sur la réclamation ni avisé le contribuable de la nécessité d'un délai complémentaire pour prendre sa décision, cette réclamation est considérée comme implicitement rejetée, ouvrant ainsi au contribuable la possibilité de saisir la juridiction compétente sans qu'il puisse se prévaloir d’une absence de motivation de la décision de l’administration fiscale.

Ce moyen sera donc rejeté.

IV. Sur l’irrégularité de la mise en œuvre des dispositions prévues aux articles L.23 C du livre des procédures fiscales et 755 du code général des impôts :

Monsieur [I] soutient qu'il résulte de ces dispositions que les demandes d'informations et de justifications de l’administration fiscale relatives aux avoirs à l’étranger et les taxations correspondantes, doivent être effectuées « compte par compte ››.

Monsieur [I] était le bénéficiaire de deux comptes patrimoniaux ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC Private Bank. Il a fait l’objet d'une demande d'informations et de justifications en date du 14 février 2014 relative à l'origine et aux modalités d'acquisition des avoirs figurant sur ses comptes ouverts à l’étranger. Par suite, en l’absence de réponse à cette demande d’informations et de justifications, il a fait l’objet d'une procédure de taxation d'office.

A défaut de transmission des relevés de comptes détenus auprès de la banque Suisse HSBC, l’administration fiscale s’est effectivement basée sur les éléments communiqués par le Procureur de la République de Nice afin de calculer les droits dus, sur la base de la valeur la plus élevée connue de l’administration fiscale de ces avoirs au cours des dix années précédant l’envoi de la demande d'informations et de justifications.

Monsieur [I], qui ne conteste pas en tant que tel l’existence des avoirs à l’étranger, n'est pas revenu vers l’administration fiscale afin de justifier des avoirs figurant sur les comptes bancaires ouverts à son nom auprès de la banque Suisse HSBC, ni des montants individuels figurant sur chaque compte.

En conséquence, l’administration fiscale n’avait pas d’autre possibilité de calculer les droits et ce moyen sera rejeté.

V. Sur les autres demandes :

Succombant, Monsieur [I] sera condamné aux dépens et déboutés, compte tenu du rejet de ses prétentions, de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, publiquement par mise à disposition au greffe

Déboute Monsieur [H] [I] de l’intégralité de ses demandes ;

Condamne Monsieur [H] [I] aux entiers dépens.


Fait et jugé à Paris le 25 Avril 2024


La GreffièreLe Président

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