25 avril 2024
Cour d'appel de Bourges
RG n° 23/00358

1ère Chambre

Texte de la décision

VS/OC













































































COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP GERIGNY & ASSOCIES

- SELARL EDL AVOCAT



Expédition TJ



LE : 25 AVRIL 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



N° - Pages







N° RG 23/00358 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DRIX



Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de BOURGES en date du 16 Mars 2023





PARTIES EN CAUSE :

I - S.C.E.A. [Z] [B] ET FILS agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 4]

[Localité 3]

N° SIRET : 328 038 492



Représentée par la SCP GERIGNY & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par la SARL LAURENCE KIFFER AVOCATE, avocat au barreau de PARIS



timbre fiscal acquitté



APPELANTE suivant déclaration du 13/04/2023



II - RUSSEL [C] CONSULTING LLC agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 2]

[Localité 1] (ETATS-UNIS)



Représentée par la SELARL EDL AVOCAT, avocat au barreau de BOURGES

Plaidant par Me Luis WOLFF KONO, avocat au barreau de PARIS



timbre fiscal acquitté



INTIMÉE















25 AVRIL 2024

N° /2







COMPOSITION DE LA COUR :





En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI, Conseillère chargée du rapport.





Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme CLEMENT Présidente de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère







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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT







***************





ARRÊT : CONTRADICTOIRE





prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.








**************









EXPOSÉ DU LITIGE



La société civile d'exploitation agricole [Z] [B] et fils a distribué ses vins aux États-Unis à compter de l'année 1998 à différents importateurs par l'intermédiaire de la société Russell [C] Consulting LLC, dont le siège social est situé dans le New Jersey, agissant en son nom et pour son compte en qualité d'agent commercial.



Les parties n'ont jamais formalisé leur relation par contrat.



Par courriel du 12 avril 2021, la société [Z] [B] et fils a indiqué à la société Russell [C] Consulting qu'elle souhaitait accorder la majorité de son secteur géographique à deux nouveaux agents commerciaux et lui a proposé de garder quatre États fédérés jusqu'à la fin de son activité.



Par courriel du 11 octobre 2021, elle a mis fin à sa relation avec la société Russell [C] Consulting.



Par acte d'huissier de justice du 4 janvier 2022, la société Russell [C] Consulting a assigné la société [Z] [B] et fils devant le tribunal judiciaire de Bourges aux fins principales de la voir condamner à lui payer une indemnité de fin de contrat d'agent commercial, une indemnité compensatrice de préavis, un rappel de commissions et des dommages-intérêts sur le fondement du droit français.



Par jugement en date du 16 mars 2023, le tribunal judiciaire de Bourges a :

- dit que doit s'appliquer la loi française,

- condamné la SCEA [Z] [B] et fils à payer à la société Russell [C] Consulting LLC la somme de 4 135 euros à titre d'indemnité compensatrice du délai de préavis,

- condamné la SCEA [Z] [B] et fils à payer à la société Russell [C] Consulting LLC la somme de 27 200 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat d'agent commercial,

- condamné la SCEA [Z] [B] et fils à payer à la société Russell [C] Consulting LLC la somme de 552,72 euros au titre de la commission due sur la commande passée par Vintage Imports le 24 août 2021,

- débouté la société Russell [C] Consulting LLC de sa demande en paiement des commissions au titre des commandes de Hartley and Parker et Roanoke Valley des 5 et 6 octobre 2021,

- débouté la société Russell [C] Consulting LLC de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

- débouté la société Russell [C] Consulting LLC de sa demande de production par la SCEA [Z] [B] et fils d'un relevé de commissions révisé avec indication des ventes réalisées aux États-Unis par le domaine [Z] [B] avec ses autres agents commerciaux après le 21 avril 2021 et dans la période du délai de préavis pour les secteurs géographiques qui étaient alors les siens,

- condamné la SCEA [Z] [B] et fils à payer à la société Russell [C] Consulting LLC la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire,

- condamné la SCEA [Z] [B] et fils aux entiers dépens.







Par déclaration en date du 13 avril 2023, la société [Z] [B] et fils a interjeté appel de ce jugement, sauf en ce qu'il a débouté la société Russell [C] Consulting de sa demande en paiement des commissions au titre des commandes de Hartley and Parker et Roanoke Valley, de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et de sa demande de production d'un relevé de commissions.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 février 2024, la société [Z] [B] et fils demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- dire le droit du New Jersey applicable,

- débouter la société Russell [C] Consulting de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Russell [C] Consulting à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Russell [C] Consulting aux dépens.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 janvier 2024, la société Russell [C] Consulting demande à la cour de :

- confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, condamner la société [Z] [B] et fils à lui payer la somme de 27 796 euros au titre du non-respect du délai de préavis de rupture du contrat, en droit du New-Jersey,

- condamner la société [Z] [B] et fils à lui payer la somme de 552,72 euros au titre de la commission due sur la commande passée par Vintage Imports le 24 août 2021, en droit du New Jersey,

- débouter la société [Z] [B] et fils de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société [Z] [B] et fils aux dépens,

- condamner la société [Z] [B] et fils au paiement de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.



Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.




SUR CE



Sur la loi applicable au contrat d'agent commercial



L'article 1er de la convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation dispose :



« La présente convention détermine la loi applicable aux relations à caractère international se formant lorsqu'une personne, l'intermédiaire, a le pouvoir d'agir, agit ou prétend agir avec un tiers pour le compte d'une autre personne, le représenté.



Elle s'étend à l'activité de l'intermédiaire consistant à recevoir et à communiquer des propositions ou à mener des négociations pour le compte d'autres personnes.



La Convention s'applique, que l'intermédiaire agisse en son propre nom ou au nom du représenté et que son activité soit habituelle ou occasionnelle. »



L'article 5 prévoit :



« La loi interne choisie par les parties régit le rapport de représentation entre le représenté et l'intermédiaire.



Le choix de cette loi doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause. »



L'article 6 ajoute :



« Dans la mesure où elle n'a pas été choisie dans les conditions prévues à l'article 5, la loi applicable est la loi interne de l'Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle.



Toutefois, la loi interne de l'Etat dans lequel l'intermédiaire doit exercer à titre principal son activité est applicable, si le représenté a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle dans cet Etat.



Lorsque le représenté ou l'intermédiaire a plusieurs établissements professionnels, le présent article se réfère à l'établissement auquel le rapport de représentation se rattache le plus étroitement. »



Le rapport explicatif de la convention rédigé par M. [D] précise en page 20 :



« 46 [...] Si les parties n'ont pas expressément choisi une loi, le tribunal ne doit pas se borner à examiner les dispositions du contrat conclu entre les parties pour décider ce que celles-ci avaient en vue au moment de conclure leur accord : il peut aussi prendre en considération les « circonstances de la cause » [...] Les circonstances qui entourent la conclusion d'un accord constituent souvent d'utiles indications de l'intention des parties, surtout s'il a été précédé de négociations dans le cadre d'une loi déterminée, ou de relations antérieures entre les parties.



47 Afin que la décision de donner priorité à l'autonomie des parties dans le choix de la loi apporte le plus de certitude possible, et pour s'assurer que le tribunal donne effet au choix que les parties ont réellement fait - par opposition à un choix que le tribunal pourrait leur attribuer par interprétation -, le tribunal n'a le droit de conclure que les parties ont choisi leur loi que si cette conclusion peut être déduite avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause. En l'absence de cette certitude, le tribunal est tenu de juger que les parties n'ont pas désigné de loi pour régir leurs relations ».



En l'espèce, la société [Z] [B] et fils sollicite l'application du droit du New Jersey à la relation contractuelle qui la lie à la société Russell [C] Consulting. Elle fait grief au jugement attaqué d'avoir retenu l'applicabilité du droit français sur la base d'éléments inopérants ou équivoques.



Comme le soutient justement la société appelante, en l'absence de formalisation d'un contrat entre les parties, seules les « circonstances de la cause » au sens de l'article 5, alinéa 2, de la convention de La Haye peuvent permettre en l'espèce de retenir l'existence d'un choix de loi applicable.



D'un point de vue méthodologique, il convient tout d'abord de rappeler que l'identification d'un choix de loi tacite ne consiste pas à dénombrer et apprécier la pertinence des points de rattachement de la relation contractuelle avec l'ordre juridique français, ce qui procèderait d'une localisation objective du contrat relevant non de l'article 5 mais de l'article 6 de la convention, mais de rechercher si certaines circonstances de la cause sont susceptibles de renseigner sur la volonté des parties quant au droit applicable.



Ainsi, il est observé de manière préalable que l'argumentation par laquelle la société Russell [C] Consulting se propose de démontrer que certaines circonstances de la cause sont susceptibles de constituer des critères de rattachement objectifs du contrat est dénuée de toute pertinence.



La société intimée fait premièrement valoir que les factures adressées par la société [Z] [B] et fils aux clients américains étaient rédigées en français et qu'une désignation expresse du droit français figurait par la suite dans les conditions générales imprimées au dos de ces factures. Elle en déduit que les liens étroits unissant les contrats de vente au contrat d'agent justifient l'application d'un droit unique, à savoir le droit français, à l'ensemble de ces relations.



La société [Z] [B] et fils réplique à raison que la relation contractuelle qu'elle entretenait avec la société Russell [C] Consulting était juridiquement indépendante de celles qu'elle entretenait avec ses différents clients américains, de sorte que la soumission au droit français des contrats conclus avec les clients n'est pas un élément permettant de déduire que la volonté tacite des parties était également de soumettre leur relation commerciale au droit français. Il est observé qu'aucun élément concret du dossier ne permet d'établir que les parties auraient souhaité que le contrat d'agent commercial suive le sort des contrats de vente en matière de loi applicable.



Il est également indifférent que la clause d'exception de l'article 4, paragraphe 3, du règlement Rome I permette au juge de considérer qu'en l'absence de choix de loi applicable, un contrat peut être soumis à la même loi qu'un autre contrat avec lequel il entretient des liens étroits, comme le soutient la société intimée, dès lors que ce règlement est inapplicable en l'espèce et que la recherche de la volonté des parties (localisation subjective du contrat) ne se confond pas avec la recherche et la pondération des liens qu'entretient le contrat avec un ordre juridique déterminé (localisation objective du contrat).



Il n'est pas permis d'en tirer une conclusion différente à la lecture de l'arrêt rendu par la 1re chambre civile de la Cour de cassation le 29 septembre 2021 (no 20.18-954), invoqué par l'intimée. Si dans cette espèce, la cour d'appel de Paris avait considéré que le choix de la loi française dans les conditions générales de l'intermédiaire pour les relations avec les tiers était un élément susceptible de caractériser l'existence d'un choix de loi tacite au profit du droit français, la Cour de cassation rappelle que la valeur et la

portée des éléments de preuve soumis à la cour d'appel sont appréciés souverainement par cette dernière, de sorte que la cour de céans n'est aucunement tenue d'adopter la même analyse que la cour d'appel de Paris.



La société Russell [C] Consulting allègue par ailleurs que les parties avaient dès le départ envisagé que M. [C] serait comme une « extension » du domaine [Z] [B] aux États-Unis et que ses missions étaient comprises par rapport à la notion française d'agent commercial. Force est de constater qu'aucune pièce du dossier ne permet de prouver la réalité de ces allégations, qui sont contestées par la société [Z] [B] et fils, qui soutient au contraire que la société intimée était habituée à relever du droit du New Jersey et ne s'est pas préoccupée de la question du droit applicable.



L'existence d'une règlementation spéciale en matière d'agents commerciaux en droit français et son absence en droit du New Jersey n'est pas davantage une circonstance permettant de conclure que les parties auraient entendu soumettre leur relation à la loi française, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elles avaient, toutes deux, connaissance du contenu de ces deux droits au moment d'entamer leur relation et qu'elles ont souhaité voir s'appliquer les dispositions plus techniques ' et protectrices de l'agent commercial ' du droit français.



En outre, il n'est pas démontré que la société Russell [C] Consulting était habituée à relever du droit français pour avoir été l'agent commercial d'autres vignerons français et qu'elle avait une connaissance particulière de ce droit, étant précisé en tout état de cause que les attentes unilatérales d'une partie ne sauraient rapporter la preuve d'une volonté commune de se soumettre à un droit particulier.



Au demeurant, il n'est pas contesté que la société Russell [C] Consulting n'a jamais revendiqué l'application du droit français avant la rupture de la relation contractuelle.



La société intimée invoque encore le fait que les communications entre les parties se sont toujours réalisées en langue française, ce dont elle justifie par la production de nombreux échanges de courriels. Les échanges des parties en langue française peuvent cependant s'expliquer, comme le soutient la société [Z] [B] et fils, par une commodité ou par une habitude entre les parties, ce qui est rendu d'autant plus probable par le fait que M. [C] est d'origine canadienne et francophone, comme il l'indique lui-même, de sorte que la langue choisie par les parties ne révèle pas nécessairement de volonté tacite relativement au droit applicable à leur relation.



Il en va enfin de même du fait que les factures établies entre les parties aient été libellées en euros et que M. [C] se soit déplacé en 1997 dans les locaux de la société [Z] [B] et fils pour discuter de l'établissement de leur relation et que les réunions entre les parties aient eu lieu en France, ces circonstances pouvant s'expliquer par des raisons de commodité extérieures à toute manifestation de volonté des parties relativement au droit applicable à leur relation.



En conclusion, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'absence de pertinence intrinsèque des circonstances invoquées par la société Russell [C] Consulting ne permet pas, même prises ensemble, en l'absence d'éléments plus probants relatifs à la volonté commune des parties, de considérer avec une certitude raisonnable qu'elles ont entendu soumettre leur relation à la loi française.

En l'absence de choix de loi applicable, il convient de faire application de l'article 6, alinéa 1, de la convention, qui retient l'application de la loi de l'établissement professionnel de l'intermédiaire au moment de la formation du rapport de représentation.



Il n'est pas contesté que la société Russell [C] Consulting avait son établissement professionnel dans l'État du New Jersey en 1998, année où ont débuté les relations commerciales entre les parties.



Il en résulte que la loi de l'État du New Jersey est applicable à la relation contractuelle, et plus particulièrement aux conséquences pécuniaires d'une rupture abusive de cette relation, entre la société [Z] [B] et fils et la société Russell [C] Consulting.



Sur la demande en paiement de la société Russell Hermann Consulting



La société [Z] [B] et fils sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Russell [C] Consulting les sommes de 4 135 euros à titre d'indemnité compensatrice du délai de préavis, 27 200 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat, et 552,72 euros au titre de la commission due sur la commande passée par la société Vintage Imports le 24 août 2021, et demande à la cour de débouter la société Russell [C] Consulting de l'ensemble de ses demandes.



La société Russell [C] Consulting demande, à titre subsidiaire, en cas d'applicabilité du droit du New Jersey, de condamner la société [Z] [B] et fils à lui payer la somme de 27 796 euros au titre du non-respect du délai de préavis de rupture du contrat et la somme de 552,72 euros au titre de la commission précitée.



La société [Z] [B] et fils se prévaut de l'article 2A:61A-2 du New Jersey Statutes qui dispose :

« Section 2A:61A-2 - Payment to sales representative after termination of contract



When a contract between a principal and a sales representative to solicit orders is terminated, the commissions and other compensation earned as a result of the representative relationship and unpaid shall become due and payable within 30 days of the date the contract is terminated or within 30 days of the date commissions are due, whichever is later.



A sales representative shall receive commissions on goods ordered up to and including the last day of the contract even if accepted by the principal, delivered, and paid for after the end of the agreement. The commissions shall become due and payable within 30 days after payment would have been due under the contract if the contract had not been terminated. »



Il résulte du premier alinéa de cet article qu'en cas de rupture d'un contrat conclu avec un représentant commercial, les commissions non payées sont dues dans les 30 jours de la date de rupture du contrat. La société [Z] [B] en conclut qu'elle s'est entièrement conformée à ses obligations contractuelles dès lors que cet article ne prévoit ni préavis, ni indemnité en cas de rupture du contrat.





Il ressort cependant de la jurisprudence de la Cour Suprême du New Jersey produite par la société Russell [C] Consulting (arrêt du 28 janvier 1976, Bak-A-Lum c. Alcoa ; arrêt du 11 mars 1997, Sons of Thunder c. Borden) que dans le cadre d'un contrat d'agent commercial, les parties sont soumises au respect d'une obligation générale de bonne foi qui s'étend à la rupture du contrat et qui commande à la partie à l'origine de la rupture de respecter un délai de préavis raisonnable afin de permettre à l'autre partie de prendre ses dispositions.



À la lumière de cette jurisprudence, l'article 2A:61A-2 précité, qui traite spécifiquement du paiement des commissions après la rupture du contrat de représentation commerciale, ne saurait donc être interprété comme excluant toute indemnité en cas de rupture du contrat sans respect d'un délai de préavis raisonnable.



La société [G] [B] et fils ne conteste pas avoir été à l'origine de la rupture des relations commerciales entre les parties. Ainsi, par courriel du 12 avril 2021, M. [G] [B] a écrit à M. [C] : « je reviens vers vous concernant l'évolution de ma distribution aux US ['] Je vous propose de garder CO-VT-MA et VA jusqu'à la fin de votre activité pour une transition en douceur. [K] [F] aimerait avoir tous les US mais [ils] sont prêts à accepter quand même cette concession. Ils comprennent ma fidélité envers vous et le fait que je veuille une transition en douceur ». Par courriel du 16 avril 2021, il lui a écrit : « concernant le [Connecticut], je vais dire à [Y] [I] de patienter. Je suis ok pour continuer pour le moment sur cet [É]tat [et] faire un point sur la situation en 2022 ».



Par courriel du 11 octobre 2021, M. [B] a finalement informé M. [C] de la rupture complète de leur relation d'affaires en ces termes : « Je pense que la meilleure solution est maintenant que nous prenions la décision d'arrêter de travailler ensemble. Vous perdez un vigneron, et moi je perds un agent de qualité, des clients fidèles et une facture impayée (difficile dans ce contexte de gel). Mais au moins nous pouvons tous les deux aller de l'avant et rester en bons termes. Bien entendu, nous continuons de régler vos factures de commission au fur et à mesure que les règlements arrivent ».



Il ressort de ces courriels que la société [Z] [B] et fils a procédé unilatéralement à la réduction du périmètre d'activité de la société Russell [C] Consulting par courriel du 12 avril 2021, ayant pris la décision de collaborer avec de nouveaux agents commerciaux aux États-Unis, puis que nonobstant son engagement à continuer sur de nouvelles bases jusqu'en 2022, elle a informé l'intimée de la fin de leur relation commerciale le 11 octobre 2021 sans respecter aucun délai de préavis. Ce faisant, et alors que la relation des parties avait duré près de 24 ans, elle a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat en privant la société Russell [C] Consulting du temps nécessaire pour trouver une solution de remplacement.



Dans la mesure où la société [Z] [B] et fils ne conteste pas le montant de l'indemnisation demandée par la société Russell [C] Consulting, au moyen qu'« aucune indemnité ne pouvant être due ['] il n'y a pas lieu de discuter de son quantum », elle sera condamnée à lui payer la somme de 27 796 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du délai de préavis.



Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société [Z] [B] et fils à payer à la société Russell [C] Consulting, sur le fondement du droit français, la somme de 4 135 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 27 200 euros à titre d'indemnité de fin de contrat.



Par ailleurs, dans la mesure où la société [Z] [B] et fils ne développe aucun moyen à hauteur de cour relatif à la commission de 552,72 euros due sur la commande passée par Vintage Imports le 24 août 2021, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer cette somme à la société Russell [C] Consulting.



Il est enfin précisé que si l'intimée évoque un préjudice moral qu'elle estime à 3 000 euros, elle ne formule aucune demande d'indemnisation de ce préjudice dans le dispositif de ses dernières conclusions.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



Le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.



Partie principalement succombante, la société [Z] [B] et fils sera condamnée aux dépens d'appel.



L'issue de la procédure et l'équité commandent de la condamner à payer à la société Russell [C] Consulting la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa propre demande d'indemnité de procédure en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant dans les limites de l'appel,



- Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que doit s'appliquer la loi française et a condamné la SCEA [Z] [B] et fils à payer à la société Russell [C] Consulting LLC la somme de 4 135 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 27 200 euros à titre d'indemnité de fin de contrat,



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



- Déclare la loi de l'État du New Jersey applicable au litige,

- Condamne la SCEA [Z] [B] et fils à payer à la société Russell [C] Consulting LLC la somme de 27 796 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du délai de préavis,

- Condamne la SCEA [Z] [B] et fils aux dépens d'appel,

- Condamne la SCEA [Z] [B] et fils à payer à la société Russell [C] Consulting la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Déboute la SCEA [Z] [B] et fils de sa propre demande d'indemnité de procédure.



L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le Greffier, Le Président,



S. MAGIS O. CLEMENT

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