25 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/04179

Pôle 4 - Chambre 10

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



(n° , 19 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/04179 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDG4A



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2021 - Tribunal judiciaire de PARIS RG n° 16/01109





APPELANT



L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGÈNES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 25]

[Adresse 25]

[Adresse 25]

[Adresse 25]



Représenté par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assisté par Me Sylvie WELSCH de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261, substitué à l'audience par Me Eloise BLANC, avocat au barreau de PARIS, toque : P0261





INTIMÉS



Monsieur [G] [V], en qualité d'ayant droit de Monsieur [F] [V] (décédé le [Date décès 2] 2015) et de Madame [S] [U] épouse de feu Monsieur [F] [V] (décédée le [Date décès 3] 2019)

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 22] (LAOS)

[Adresse 10]

[Adresse 10]



ET



Monsieur [C] [V], en qualité d'ayant droit de Monsieur [F] [V] et de Madame [S] [U] épouse de feu Monsieur [F] [V]

né le [Date naissance 6] 1959 à [Localité 22] (LAOS)

[Adresse 14]

[Adresse 14]



ET









Monsieur [D] [V], en qualité d'ayant droit de Monsieur [F] [V] et de Madame [S] [U] épouse de feu Monsieur [F] [V]

né le [Date naissance 4] 1960 à [Localité 22] (LAOS)

[Adresse 13]

[Adresse 13]



ET



Madame [P] [V], en qualité d'ayant droit de Monsieur [F] [V] et de Madame [S] [U] épouse de feu Monsieur [F] [V]

née le [Date naissance 11] 1965 à [Localité 20]

[Adresse 9]

[Adresse 9]



Tous représentés et assistés à audience par Me Caroline CARRÉ-PAUPART, avocat au barreau de PARIS, toque : E1388



Monsieur [X] [I]

né le [Date naissance 12] 1964 à [Localité 20]

Clinique [16]

[Adresse 8]

[Adresse 8]



Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assisté par Me Georges LACOEUILHE de l'AARPI LACOEUILHE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0105, substitué à l'audience Lenah DARMON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0105



S.A.S. CLINIQUE [16], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 8]

[Adresse 8]



ET



RELYENS, venant aux droits et action de la société SHAM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]



Représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistés à audience par Me Maroussia GALPERINE de la SELEURL CABINET GALPERINE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0173



GROUPE HOSPITALIER [18] [19], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 15]

[Adresse 15]



Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté par Me Christine LIMONTA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0026, substitué à l'audience Me Marion CHERMETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0026









CPAM- CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 23]

[Adresse 21]

[Adresse 21]



Représentée et assistée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901, substitué à l'audience Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été plaidée le 29 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

Madame Anne ZYSMAN, Conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Mme Amel MANSOURI





ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, greffier, présent lors de la mise à disposition.




***



RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE



[F] [V], né le [Date naissance 5] 1924, a été soigné pour un descellement rotulien et une reprise d'une prothèse du genou, le 4 décembre 2012, par le docteur [X] [I] à la clinique [16], opération qui s'est compliquée d'une thrombose veineuse de la jambe gauche le 7 décembre 2012.



Dans les suites de l'opération, après son retour à domicile, il a constaté que son genou gauche était gonflé et douloureux. Son médecin traitant a émis l'hypothèse d'une infection sur prothèse le 19 décembre 2012, puis l'a orienté aux urgences du centre hospitalier [17] en raison de la survenue d'une forte fièvre. Une infection par staphylocoque aureus a alors été mise en évidence.



[F] [V] a été hospitalisé à l'hôpital [19] du 20 décembre 2012 au 30 janvier 2013 où a été diagnostiquée une infection post-opératoire aiguë par staphylocoque doré qui a nécessité une excision, une synovectomie et un lavage de PTG gauche, et qui a été traitée par antibiothérapie.



[F] [V] a subi deux réductions sous anesthésie générale dans les suites de deux luxations de sa prothèse les 16 et 28 janvier 2013. Il est resté hospitalisé jusqu'au 26 février 2013, puis de nouveau du 29 avril au 7 mai 2013 pour une reprise de prothèse totale du genou gauche à la clinique [16].



Au mois de novembre 2013, a été mise en évidence une récidive de l'infection à staphylocoque doré. Il a de nouveau subi un changement de prothèse le 15 novembre 2013 avec une complication par un hématome post-opératoire ayant nécessité un drainage.



Après une nouvelle luxation de sa prothèse, celle-ci a été enlevée le 29 janvier 2014 avec mise en place d'un spacer armé en ciment.



[F] [V] a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (ci-après « CCI ») qui a désigné en qualité d'experts les docteurs [N], orthopédiste, et [W] [H], infectiologue, qui l'ont examiné le 18 décembre 2014.



Les experts ont procédé à leur mission et, aux termes d'un rapport dressé le 25 décembre 2014, ont conclu ainsi que suit :

- Les séquelles sont survenues dans les suites d'une infection sur un changement d'arthroplastie du genou ;

-Le dommage a été occasionné par la survenue d'une infection nosocomiale à staphylocoque doré métisensible, 16 jours après l'intervention au niveau du site opératoire et donc nosocomiale. Aucune cause étrangère n'a été retrouvée. Le germe est endogène, commensale de la peau, et très pathogène.

- Déficit fonctionnel temporaire total strictement imputable à l'infection : du 29 avril au 10 mai 2013, du 4 novembre 2013 au 11 février 2014.

- Déficit fonctionnel temporaire partiel strictement imputable à l'infection : 75% du 1er janvier au 26 février 2013, 50% du 19 au 31 décembre 2012, du 11mai au 3 novembre 2013, du 12 février au 18 décembre 2014, 40% du 27 février au 28 avril 2013.

- Le besoin en tierce personne est de 3 heures par jour, pour moitié en relation avec le dommage et pour l'autre moitié en relation avec l'état antérieur et débute le 1er janvier 2013 ;

- La consolidation des blessures ne sera pas acquise avant 2016 ;

- Le déficit fonctionnel permanent est à évaluer après la consolidation ; il est actuellement supérieur à 30% en relation stricte avec le dommage et ne pourra pas régresser ;

- Les souffrances endurées ne seront pas inférieures à 4,5/7.



[F] [V] est décédé le [Date décès 2] 2015, son décès n'étant pas en lien avec l'infection nosocomiale.



Dans son avis du 18 juin 2015, la CCI a émis l'avis selon lequel la réparation des préjudices incombe à la clinique [16] en retenant les périodes de DFT énoncées par les experts, l'évaluation des souffrances endurées et une assistance tierce personne de 1h30 par jour du 27 février au 28 avril 2013, du 11 mai au 3 novembre 2013 et du 12 février 2014 au [Date décès 2] 2015, date du décès.



La clinique [16] n'a pas accepté ces conclusions au motif que les experts auraient évalué sans ambiguïté le taux de DFP à 30% de sorte qu'il reviendrait à l'ONIAM d'indemniser les préjudices. Elle en a avisé la veuve d'[F] [V] le 20 novembre 2015 en l'invitant à saisir l'ONIAM.



En l'absence de transaction possible, par actes des 6, 7, 8 janvier 2016, Monsieur [G] [V], Monsieur [C] [V], Monsieur [D] [V] et Madame [P] [V] (les consorts [V]) ont assigné la clinique [16] et l'ONIAM, ainsi que la CPAM de [Localité 24] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de liquidation des préjudices.



Par acte du 15 septembre 2016, la clinique [16] a fait citer le groupe hospitalier [18] - [19] et sollicité la jonction des dossiers.



Par acte du 12 septembre 2016, la société SHAM, assureur de la clinique [16], a fait citer le docteur [X] [I].



Les dossiers ont fait l'objet d'une jonction.



Madame [U], veuve [V], est décédée le [Date décès 3] 2019.



Par ordonnance du 12 juin 2017, le juge de la mise en état a rejeté la demande de contre-expertise médicale de la clinique [16] et de la société SHAM.



Par jugement du 11 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Dit n'y avoir lieu à nouvelle mesure d'expertise ;

- Mis hors de cause le docteur [X] [I] et le groupe hospitalier [18] - [19] ;

- Dit que Monsieur [F] [V] a été victime d'une infection nosocomiale survenue à la suite de l'intervention de changement de prothèse du genou du 4 décembre 2012 par le docteur [X] [I] à la clinique [16] ;

- Dit que les séquelles de cette infection nosocomiale présentent le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1, soit une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50% ;

- Dit que les conditions de l'indemnisation par la solidarité nationale sont réunies ;

- Dit que l'accident médical subi par Monsieur [F] [V] n'engage pas la responsabilité des professionnels de santé, et que son indemnisation relève de la solidarité nationale ;

- Mis à la charge de l'ONIAM la réparation des préjudices de Monsieur [F] [V] ;

- Condamné en conséquence l'ONIAM à payer aux ayants-droit de Monsieur [F] [V] :

*au titre de la tierce personne, 15.096 euros,

*au titre du déficit fonctionnel temporaire, 10.666,25 euros,

*au titre des souffrances endurées, 20.000 euros,

*au titre du préjudice esthétique temporaire, 1.500 euros, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- Débouté la CPAM de [Localité 24] de ses demandes en l'absence de tiers responsable ;

- Condamné l'ONIAM à payer aux consorts [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard du groupe hospitalier [18] - [19] , la clinique [16] et la SHAM, la CPAM de [Localité 24], le docteur [X] [I] ;

- Condamné l'ONIAM aux dépens ;

- Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui les concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens ;

- Rejeté le surplus des demandes, plus amples ou contraires.



Le 3 mars 2021, l'ONIAM a interjeté appel de ce jugement.



Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 novembre 2021, l'ONIAM demande à la Cour de :



Vu l'article L. 1142-1 I alinéa 2 du code de la santé publique, vu l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique,



Dire et juger l'ONIAM recevable et bien fondé en son appel,



Infirmer le jugement rendu le 11 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris dans l'ensemble de ses dispositions,

Et statuant à nouveau,



- Débouter les consorts [V] de leurs demandes formées à l'encontre de l'ONIAM,

- Débouter la clinique [16] et la Sham de leurs demandes formées à l'encontre de l'ONIAM,

- Débouter le docteur [I] de ses demandes formées à l'encontre de l'ONIAM,

- Rejeter toute demande formée contre l'ONIAM,

- Condamner tout succombant à payer à l'ONIAM la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ONIAM fait valoir qu'en application des dispositions de l'article L. 1142 ' 1 alinéa 2 du code de la santé publique, les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère et que ce n'est que pour les dommages les plus graves, correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ou à un décès, que la charge de l'indemnisation des infections nosocomiales consécutives à des actes de soins (postérieurs au 1er janvier 2003) incombe à l'ONIAM (article L. 1142 ' 1 ' 1 du code de la santé publique).

Il soutient que le décès d'[F] [V], âgé de 90 ans en mars 2015, à 16 mois de la récidive de l'infection à staphylocoque doré, n'est pas imputable à l'infection comme l'admettent les consorts [V], que le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % ne peut être déterminé qu'à la consolidation de l'état de santé de la victime or l'état de santé d'[F] [V] n'a pas été consolidé avant son décès et que ces textes sont d'interprétation stricte.

Il conclut que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.



Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 juillet 2021, les consorts [V] demandent à la Cour de :



Vu les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique,

Vu le rapport d'expertise établi par les experts [N] et [W]-[H],



- Confirmer que Monsieur [F] [V] a été victime d'une infection nosocomiale contractée à la clinique [16],



- Confirmer le droit à indemnisation des consorts [V] en leur qualité d'héritiers de leur père décédé,



A titre principal,



- Confirmer la condamnation de l'ONIAM à indemniser les consorts [V], en leur qualité d'ayants droit,



A titre subsidiaire,

Et en cas d'infirmation du jugement de première instance,



- Condamner la clinique [16] à indemniser les consorts [V], en leur qualité d'ayants droit,



En revanche,

- Infirmer et allouer aux consorts [V], en leur qualité d'ayants droit, l'indemnisation suivante :

- Dépenses de santé actuelles : 0 euro



1/ Au titre des préjudices patrimoniaux :



(Créance de la CPAM 253.517,34 euros)



- Assistance tierce personne : 17.037 euros



2/ Au titre des préjudices extra-patrimoniaux :



au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Déficit fonctionnel temporaire : 13.432,50 euros

- Souffrances endurées : 25.000 euros

- Préjudice esthétique temporaire : 3.000 euros



- Dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance,



- Confirmer la somme de 2.000 euros qui a été allouée en première instance aux consorts [V] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- Condamner tout succombant à payer aux consorts [V] en appel la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,



- Condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Caroline Carré-Paupart, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.



Les consorts [V] demandent à la cour de confirmer qu'[F] [V] a été victime d'une infection nosocomiale survenue à la suite de l'intervention de changement de prothèse du genou du 4 décembre 2012 par le Docteur [X] [I] à la clinique [16].

Ils font valoir que :

' l'infection contractée par lui correspond à la définition de l'infection nosocomiale comme l'ont conclu les experts,

' il appartient à l'ONIAM de prendre en charge l'indemnisation de leur préjudice,

' à titre subsidiaire, la clinique [16] doit être condamnée.



Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 11 décembre 2023, la clinique [16] et la société Relyens, venant aux droits et action de la société Sham, demandent à la Cour de :



Vu les faits et les éléments de la cause,

Vu les pièces communiquées,

Vu les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique,



*A titre principal



- Accueillir les concluants en leurs présentes écritures et les déclarer bien fondés dans l'ensemble de leurs demandes,



- Confirmer le jugement en ce qu'il dit que Monsieur [F] [V] a été victime d'une infection nosocomiale survenue à la suite de l'intervention de changement de prothèse du genou le 4 décembre 2012 par le docteur [X] [I] à la clinique [16],



- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'ONIAM à réparer les préjudices de Monsieur [F] [V],



- Débouter l'ONIAM de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la clinique [16] et de son assureur,



- Condamner l'ONIAM à régler à la clinique [16] et à Relyens la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Maître Baechlin selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



*À titre subsidiaire



En cas d'infirmation du jugement sur la condamnation de l'ONIAM à réparer les préjudices de Monsieur [F] [V],



- Juger que les conclusions des experts désignés dans le cadre de la CCI ne sont pas circonstanciées, claires et précises,





- Juger que le rapport d'expertise des docteurs [N] et [H] ne permet pas d'éclairer la Cour sur les responsabilités encourues des professionnels de santé, la cause du décès de Monsieur [F] [V] et sur les séquelles strictement imputables à l'infection contractée à la clinique [16] et les infections contractées ou l'infection contractée au sein du groupe hospitalier [18] - [19],



- Juger que les avis sur pièces du docteur [T], expert judiciaire près des cours administratives de Paris et de Versailles et du docteur [A], expert judiciaire agréé par la Cour de cassation, contredisent les constatations et les conclusions des experts qui présentent des contradictions entre elles.



*En conséquence,



- Ordonner, avant dire droit, une expertise judiciaire confiée à un expert orthopédiste et un infectiologue,



- Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise :



- Surseoir à statuer sur les demandes de l'ONIAM, des consorts [V] et de la CPAM,



- Compléter la mission comme suit :



Dans le respect des textes en vigueur et notamment du principe du contradictoire, convoquer les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et leur Conseil par lettre simple, et entendre les parties,



- Reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure,

- Consulter l'entier dossier médical,

- Décrire l'état pathologique présenté par Monsieur [F] [V] antérieurement à son hospitalisation au sein de la clinique [16],

- Rechercher si, d'une manière générale, les soins et les actes médicaux prodigués par les praticiens ont été consciencieux, attentifs et diligents et conformes, aux données acquises de la science médicale au moment des faits,

- Dans la négative, préciser, caractériser, analyser de façon détaillée et motivée la nature des éventuelles fautes ou négligences qui auraient pu être commises ainsi que leur auteur,

- Rechercher si à l'époque où les soins ont été dispensés, le contrat d'hospitalisation et de soins liant la clinique [16] à Monsieur [F] [V] a correctement été exécuté,

- Dire si cet état pathologique est en relation avec les interventions subies ou s'il est le résultat d'une erreur, d'une négligence, d'une imprudence ou de maladresses,

- Rechercher la nature de(s) l'infection(s) présentée(s) par Monsieur [F] [V] en précisant :


Préciser à quelle date a été constaté les premiers signes, et a été porté le diagnostic et a été mis en oeuvre la thérapeutique,

Dire quels ont été les moyens cliniques paracliniques et biologiques retenus permettant d'établir le diagnostic,

Dire, le cas échéant, quel acte médical ou paramédical a été rapporté comme étant à l'origine de cette infection, par qui il a été pratiqué, quel type de germe a été identifié,

Rechercher quelle est l'origine de l'infection présentée, si elle a pour origine une cause extérieure et étrangère au(x) lieu(x) ou a (ont) été dispensé(s) le(s) soin(s), quelles sont les autres origines possibles de cette infection, et s'il s'agit de l'aggravation d'une infection en cours ou ayant existé.


- Exposer les circonstances dans lesquelles l'infection a été contractée,

- Dire si le malade présentait des facteurs favorisant la survenue ou le développement de cette infection,

- Évaluer le dommage corporel imputable à d'éventuels manquements, négligences ou erreurs en prenant soin d'exclure les conséquences de l'état antérieur du patient.



Sur les préjudices



- Évaluer l'étendue du préjudice en procédant à une ventilation en fonction de la part imputable à chaque cause au regard, notamment :


Dépenses de santé actuelles soit avant consolidation

Frais divers

Souffrances endurées

Préjudice esthétique temporaire - Dire si le dommage subi par le patient est anormal au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci,


- Dire que l'expert effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,

- Dire que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat du greffe du tribunal de grande instance de Paris,

- Réserver les dépens ;



*Très subsidiairement, appel en garantie à l'encontre du docteur [X] [I]:



- Juger que l'indication chirurgicale aurait dû être reportée,

- Juger que l'infection est la conséquence de la faute du docteur [X] [I],

- Juger que la clinique [16] est bien fondée à solliciter la condamnation du docteur [X] [I] à répondre de ses fautes,

- Condamner le docteur [X] [I] à relever et garantir la clinique [16] et Relyens de toute condamnation au principal, frais et intérêts

- Condamner le docteur [X] [I] à régler la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction

sera faite au profit de Maître Baechlin selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile



*À titre infiniment subsidiairement, sur les préjudices



- Sur les demandes des consorts [V]



Au titre de la tierce personne




Infirmer le jugement et juger que seuls 589 jours sont strictement imputables à l'infection nosocomiale,

Juger que Monsieur [F] [V] était limité dans son autonomie à la suite de l'infection nosocomiale,

Juger que le coût horaire de la tierce personne ne saurait être supérieur à 12 euros,

Homologuer le rapport sur le temps de tierce personne : 1h30 par jour,


En conséquence,




Réduire à de plus justes proportions la somme sollicitée par les consorts [V],




Sur le déficit fonctionnel temporaire :




Réduire le nombre de jours d'indemnisation sollicité par les consorts [V] à 589,

Infirmer le jugement rendu et juger que l'indemnisation sur les souffrances endurées ne saurait être supérieure à 15.000 euros.


Sur les souffrances endurées




Réduire à de plus justes proportions la demande des consorts [V],


Au titre du préjudice esthétique temporaire




Confirmer le jugement entrepris,


- Sur les demandes de la CPAM




Juger que contrairement à l'article 9 du code de procédure civile, la CPAM ne distingue pas dans sa demande entre les frais strictement imputables à l'infection nosocomiale et les frais imputables à l'état antérieur et à la pathologie de Monsieur [F] [V],

Juger que la CPAM ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité de sa créance,

Débouter la CPAM de [Localité 24] de toutes ses demandes, fins et conclusions.


- Réduire à de plus justes proportions les demandes de condamnation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



- Statuer ce que de droit sur les dépens.



La clinique [16] et son assureur demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé qu'il appartient à l'ONIAM d'indemniser les préjudices subis par les ayants droit de Monsieur [V].

Ils se fondent sur l'expertise qui a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent supérieur à 30 % en relation avec l'infection précisant, page 10 du rapport que ce taux ne pourra pas régresser et concluent que dès lors le taux de déficit fonctionnel permanent dont Monsieur [V] aurait été atteint à la consolidation, s'il n'était pas décédé, n'aurait pas été inférieur à 30 %.

Ils rappellent que les experts n'ont pas retenu de fautes de la part de la clinique.



À titre subsidiaire, ils sollicitent une nouvelle expertise sur pièces concernant la conformité des soins prodigués au malade pendant plus de deux ans au sein du groupe hospitalier [18] [19], les infections contractées au sein de cet établissement lors de son séjour hospitalier de novembre 2013 et sa quote-part de responsabilité.



Très subsidiairement, ils sollicitent la condamnation du docteur [I] à les relever et garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre en raison des fautes qu'il a commises, soutenant que :

-le chirurgien aurait dû faire reporter l'intervention chirurgicale, qui n'était pas urgente, au regard des lésions cutanées importantes présentées par [F] [V],

- le suivi postopératoire n'a pas été conforme, le patient étant retourné à son domicile avec un écoulement sur l'orifice de Redon et une cicatrice inflammatoire.



Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 22 novembre 2021, le docteur [X] [I] demande à la Cour de :



- Recevoir le docteur [X] [I] en ses écritures le disant bien fondé ;



*A titre principal



- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris

- Débouter l'ONIAM de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner l'ONIAM à des dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Débouter la clinique [16] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre du Docteur [X] [I],

- Condamner l'ONIAM au règlement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'ONIAM aux entiers dépens de la procédure.



Le Docteur [X] [I] soutient que les experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux n'ont pas retenu de manquement aux règles de l'art de sa part et que le dommage a été occasionné par la survenue d'une infection nosocomiale.

Il expose qu'[F] [V] présentait une usure de sa prothèse de genou mise en place depuis 17 ans et que ses lésions cutanées (une lésion discrète de l'aine gauche et une plaie au pouce ), éloignées du champ opératoire et sans évolution infectieuse, ne constituaient pas une contre-indication opératoire.

Il ajoute qu'aucun écoulement n'est documenté avec certitude le 9 décembre 2012, date à laquelle [F] [V] a regagné son domicile, l'apparition de l'écoulement étant mentionnée comme postérieure en date du 19 décembre 2012 et que dès lors sa surveillance postopératoire est exempte de faute de même que sa gestion du choc septique.

Il précise que, comme relevé par les experts, les épisodes d'instabilité des prothèses trouvent uniquement leur origine dans la survenue de l'infection nosocomiale et n'ont aucune cause mécanique.

Il sollicite le rejet de la demande d'expertise judiciaire faite par la clinique [16].



Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 29 octobre 2021, le groupe hospitalier [18] -[19] demande à la Cour de :



Vu les articles 143, 144, 146 et 564 du code de procédure civile,

Vu l'article L. 1142-1 du code de la santé publique,

Vu le rapport d'expertise des docteurs [N] et [W]-[H],



*A titre principal,



- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, notamment ce qu'il a :




Rejeté la demande d'expertise judiciaire formée par la clinique [16] et son assureur, la Sham,

Prononcé la mise hors de cause du groupe hospitalier [18] - [19], dont la responsabilité ne peut être retenue.

Condamné l'ONIAM, ou toute autre partie succombante, à verser au groupe hospitalier [18] - [19] une indemnité de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte-Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile,




*A titre infiniment subsidiaire, si par impossible la Cour refusait de confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause le groupe hospitalier [18] - [19], et faisait droit à la demande d'expertise avant-dire droit formée par la clinique [16] et son assureur,



- Constater les plus expresses protestations et réserves du concluant cette mesure et le principe de sa responsabilité,



- Dire que la mission qui sera confiée à un collège d'experts chirurgien orthopédiste et infectiologue sera la suivante :




Se faire communiquer par les parties, et notamment par les consorts [V], tous documents utiles à sa mission (le dossier de consultation du chirurgien, le(s) dossier(s) d'hospitalisation, et plus généralement tous documents médicaux relatifs aux faits dommageables litigieux : dossier de consultation du médecin généraliste.),

Convoquer les parties par courrier recommandé avec accusé de réception et leurs conseils par lettre simple,

Interroger contradictoirement les consorts [V] et recueillir les observations des défendeurs afin de :


- Reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la procédure,

- Déterminer l'état de santé de Monsieur [F] [V] avant les actes critiqués,

- Consigner les doléances des consorts [V],


Fournir, au vu des pièces respectivement produites et des informations recueillies auprès des parties, tous les éléments permettant au juge d'apprécier si le praticien a rempli son devoir d'information, préalablement aux soins critiqués ;

Déterminer les causes du décès de Monsieur [F] [V] ;

Dire si les actes médicaux réalisés étaient indiqués ;

Rechercher si les soins et actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale ; dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, manque de précautions nécessaires, négligences pré, per ou post-opératoires, maladresses ou autres défaillances fautives relevés ;

Dire si Monsieur [F] [V] a été victime d'un accident médical non fautif ;

Dire si Monsieur [F] [V] a été victime d'une infection ; dans l'affirmative, préciser :


- La nature du germe, son caractère endogène ou exogène,

- Les circonstances et l'origine de la contamination, en précisant dans quel établissement le germe a été contracté et si la contamination était évitable ou non,

- Les éventuels facteurs ayant favorisé ou facilité le développement de l'infection,

- Les dates précises auxquelles les premiers signes infectieux ont été constatés et le diagnostic porté,

- Les thérapeutiques mises en oeuvre pour juguler l'infection, leur date, en indiquant si elles étaient adaptées,

- Le respect par les professionnels de santé et par l'établissement de soins de la réglementation en vigueur à la date des faits, en matière de prévention et de lutte contre les infections nosocomiales,


Donner un avis motivé et documenté sur l'existence ou l'absence d'un lien de causalité entre les éventuels manquements (erreurs, imprudence etc.) ou accident médical non fautif ou infection relevés et le décès,

Préciser si ce lien de causalité présente un caractère certain et/ou direct et/ou exclusif, ou si seule une perte de chance de survie peut être envisagée,

En ne s'attachant qu'à la seule part imputable aux éventuels manquements ou accident médical non fautif ci-dessus mentionnés, c'est-à-dire en ne retenant pas les éléments de préjudice corporel se rattachant soit aux suites normales des soins qui étaient nécessaires, soit à l'état et à la pathologie antérieurs, évaluer les postes de préjudice de Monsieur [F] [V] avant son décès (déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées.),

Dire que, pour exécuter la mission, le collège d'experts sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile,

Dire que le collège d'experts désigné pourra, en cas de nécessité, s'adjoindre le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir avisé les parties et leur conseil et recueilli leur accord,

Dire que le collège d'experts pourra également recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l'éclairer, à charge pour lui d'en informer préalablement les parties et leurs conseils et de leur communiquer les questions posées au sachant et les réponses de ce dernier,

Dire que le collège d'experts devra adresser aux parties et à leurs conseils un document de synthèse et fixer la date ultime de dépôt des observations sur ce document, en leur laissant un délai minimum de 4 à 5 semaines à compter de la transmission du pré-rapport pour faire valoir leurs observations,

Dire que le collège d'experts répondra de manière précise et circonstanciée aux observations des parties ou de leurs conseils, lesquelles devront être annexées au rapport définitif.


- Dire que les opérations d'expertise seront menées aux frais avancés de la clinique [16] et de la Sham, demanderesses à la mesure d'expertise ;

- Surseoir à statuer sur les responsabilités dans l'attente du dépôt du rapport du collège d'experts ;

- Réserver les dépens.



*En tout état de cause,



- Débouter toutes parties de toutes demandes plus amples ou contraires.



Le groupe hospitalier [18]-[19] sollicite la confirmation du jugement notamment ce qu'il a rejeté la demande d'expertise judiciaire, fait valoir que les experts désignés par la CCI ont retenu le caractère conforme de l'ensemble de la prise en charge médicale en son sein, que la récidive de la complication infectieuse d'[F] [V] était la poursuite de la même infection contractée lors de l'intervention du 4 décembre 2012, et qu'il ne fait l'objet d'aucune demande de condamnation de la part des consorts [V] ou de la part d'une autre partie.



Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, la CPAM de [Localité 24] demande à la Cour de :



Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

Vu les articles L.1142-1 et L.1142-1-1 du code de la santé publique,



- Recevoir la CPAM de [Localité 24] en son appel incident et l'y déclarée bien fondée ;

- Infirmer le jugement sauf en ce qu'il a retenu la qualification d'infection nosocomiale ;



*En conséquence,



- Condamner solidairement la clinique [16] et son assureur, la Sham, à verser à la CPAM de [Localité 24] au titre des prestations servies dans l'intérêt de Monsieur [F] [V], la somme de 253.517,34 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 mars 2016 ;

- Réserver les droits de la CPAM de [Localité 24] quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement ;

- Condamner solidairement la clinique [16] et son assureur, la Sham à verser à la CPAM de [Localité 24] l'indemnité forfaitaire de gestion, due de droit en application des dispositions d'ordre public de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, soit la somme de 1.162 euros valeur 1er janvier 2023 ;

- Rejeter la contestation de la clinique sur les prestations servies par la caisse ;



Sur la mesure d'expertise sollicitée, si la Cour devait y faire droit,



- Constater que la CPAM de [Localité 24] forme les protestations et réserves d'usage ;

- Surseoir à statuer sur la liquidation des préjudices dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert ;



*En toutes hypothèses,



- Condamner solidairement la clinique [16] et son assureur, la Sham à verser à la CPAM de [Localité 24] la somme de 2.000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement la clinique [16] et son assureur, la Sham en tous les dépens, d'instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Kato & [I] associés, par application de l'article 699 du code de procédure civile.



La CPAM de [Localité 24] sollicite l'infirmation du jugement et de dire qu'il incombe à la clinique [16], qui ne conteste pas le caractère nosocomial de l'infection, d'en indemniser les conséquences, aucun taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique n'ayant pu être établi et le décès d'[F] [V] n'étant pas en lien de causalité avec l'infection en cause. Elle demande également à la Cour d'écarter la contestation de la part de la clinique concernant sa créance au vu de l'état détaillé de ses débours et de l'attestation d'imputabilité établie par le médecin-conseil de cet organisme qui n'est pas un salarié de la caisse.



La clôture a été prononcée le 13 décembre 2023.




MOTIFS



Sur la charge de l'indemnisation des ayants droit d'[F] [V] :



Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique :



I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.



II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé

comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ».



Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique, ouvrent également droit à réparation au titre de la solidarité nationale :

« 1° les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales. ( ...)».



Le déficit fonctionnel permanent correspond à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomique et physiologique à laquelle s'ajoutent des phénomènes douloureux et des répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence ressentis par la victime du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.





Si, selon l'article L. 1142-1, I, alinéa 2, du code de la santé publique, les établissements de santé sont responsables de plein droit des dommages résultant d'infections nosocomiales, ce régime de responsabilité est cependant exclu dans le cas de dommages correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %, déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, qui ouvre droit, comme lorsque l'infection a provoqué le décès de la victime, à une indemnisation au titre de la solidarité nationale en application de l'article L. 1142-1-1, 1°, du même code.



Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial, une infection qui survient au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.



Il résulte de l'expertise effectuée à la demande de la CCI par les docteurs [N], orthopédiste, et [W] [H], infectiologue, que les préjudices subis par le patient sont directement imputables aux soins du 4 décembre 2012 et que « le dommage subi par [F] [V] a été occasionné par la survenue d'une infection nosocomiale à staphylocoque doré méti sensible. Elle survient sept jours après l'intervention, au niveau du site opératoire, elle est donc nosocomiale. Aucune cause étrangère n'a été retrouvée. Le gène trouvé est un gène endogène, commensale de la peau, il est très pathogène. »



Le caractère nosocomial de l'infection n'est contesté d'aucune part.



Aucune partie ne soutient que le décès d'[F] [V], âgé de 90 ans en mars 2015, à 16 mois de la récidive de l'infection à staphylocoque doré, est imputable à l'infection.



Il convient de déterminer si les conditions d'application posées par les dispositions de l'article L.1142-1-1, 1° du code de la santé publique sont réunies.



Au terme de l'expertise, les experts missionnés par la CCI ont précisé, dans leur rapport en date du 25 décembre 2014, que le taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique sera évalué lors de la consolidation qui n'était pas encore intervenue.



[F] [V] est décédé quelques mois après le dépôt du rapport sans que la consolidation de son état de santé n'ait été constatée.



Les docteurs [N] et [W] [H] mentionnent cependant, page 10 de leur rapport, concernant ce taux qu' 'il est actuellement supérieur à 30% en relation stricte avec le dommage de nature infectieuse et ne pourra pas régresser.'



Au vu des termes particulièrement clairs employés par les docteurs [N] et [W] [H] concernant le taux prévisible d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique d'[F] [V], en lien de causalité directe avec l'infection nosocomiale, survenue au cours ou au décours de l'intervention du 4 décembre 2012, supérieur à 30 % au jour de l'expertise et de la certitude que ce taux ne pourra régresser après consolidation, il y a lieu de retenir que le dommage subi par [F] [V] doit être pris en charge par l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, 1° du code de la santé publique précité, la circonstance que l'état de santé d'[F] [V], âgé de plus de 90 ans, n'était pas consolidé ne pouvant y faire obstacle.



Dès lors, la décision déférée est infirmée en ce que les dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique, qui correspondent à l'hypothèse distincte où la responsabilité d'un établissement, service ou organisme n'est pas engagée, n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce mais confirmé en ce qui concerne la condamnation de l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, à indemniser les consorts [V], en qualité d'ayants droit de leur père.



Par conséquent, la demande subsidiaire d'expertise et l'action en garantie à l'encontre du docteur [I] de la Clinique [16] et de son assureur sont sans objet.



La décision déférée est donc confirmée en ce qu'elle a mis hors de cause le docteur [I] ainsi que le groupe hospitalier [18]-[19] dont la condamnation n'est pas demandée.



Sur les préjudices d'[F] [V] :



- Sur les préjudices patrimoniaux :



* Sur l'assistance par tierce personne :



Le premier juge a alloué la somme de 15.096 euros au titre de l'assistance par tierce personne retenant un taux horaire de 16 euros durant 631 jours.



Les consorts [V] sollicitent la somme de 17.037 euros sur la base d'un tarif horaire de 18 euros durant 631 jours.



L'ONIAM ne critique pas à titre subsidiaire le montant d'indemnisation fixée par le premier juge à ce titre.



Sur ce,



Les experts ont évalué à 3 heures par jour l'assistance par tierce personne dont la moitié en rapport avec le dommage et ce à compter du 1er janvier 2013.



Il y a lieu, compte tenu du handicap d'[F] [V], de retenir le taux horaire de 18 euros et d'allouer aux consorts [V] la somme de 17.037 euros au titre de l'assistance par tierce personne durant 631 jours.



La décision déférée sera par conséquent infirmée de ce chef.



- Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires :



*Sur le déficit fonctionnel temporaire :



Le premier juge, retenant un taux de 25 euros par jour, a fixé le déficit fonctionnel temporaire d'[F] [V] à la somme de 10.066,25 euros.



Les consorts [V] sollicitent la somme de 13.432,50 euros, sur la base d'un taux de 27 euros par jour. L'ONIAM ne critique pas à titre subsidiaire la somme allouée par le premier juge à ce titre.



Sur ce,



Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle, le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.



Au regard des conclusions des experts, le premier juge a, à juste titre, retenu un taux journalier de 25 euros et il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé le déficit fonctionnel temporaire d'[F] [V] à la somme de 10.066,25 euros.



*Sur les souffrances endurées :



Le premier juge a fixé à 20.000 euros ce poste de préjudice.



Les consorts [V] sollicitent la somme de 25.000 euros au titre des souffrances endurées par leur père. L'ONIAM ne critique pas, à titre subsidiaire, le montant d'indemnisation fixé par le premier juge à ce titre.



Sur ce,



Les experts ont considéré que les souffrances endurées ne sont pas inférieures à 4,5 sur une échelle de 0 à 7.



[F] [V] a subi plusieurs interventions chirurgicales en lien avec l'infection.



Au regard du taux retenu par les experts, le premier juge a fait une juste évaluation de ce poste de préjudice. La décision déférée est confirmée de ce chef.



*Sur le préjudice esthétique temporaire :



Le premier juge a fixé ce poste de préjudice à la somme de 1.500 euros.



Les consorts [V] sollicitent la somme de 3.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.



Sur ce,



L'expert n'a pas retenu ce poste de préjudice mentionnant 'au sens habituel des CCI'.



Cependant il résulte de l'expertise qu'[F] [V] marchait à l'aide de deux cannes béquilles et d'un déambulateur à la maison.



Compte tenu de ces éléments, la décision déférée qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 1.500 euros est confirmée.



Sur les demandes de la CPAM de [Localité 23] :



La Cour ayant retenu que la réparation du dommage des ayants droit d'[F] [V] incombait à la solidarité nationale et le recours des tiers payeurs ne pouvant être exercé contre l'ONIAM ce dont la CPAM de [Localité 23], qui sollicite la seule condamnation de la clinique [16], convient, il y a lieu de la débouter de son appel incident et de ses demandes.



Le jugement déféré est confirmé de ce chef.



Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive du docteur [I] à l'encontre de l'ONIAM :



Le docteur [I] sollicite la condamnation de l'ONIAM à lui payer des dommages et intérêts lui reprochant de l'avoir intimé à la procédure d'appel alors qu'il ne lui reprochait aucune faute.



Le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul lie la cour, ne chiffre pas le montant de dommages et intérêts demandés, ce qui rend sa demande, indéterminée dans son quantum, irrecevable.



En tout état de cause, l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équivalente au dol, de légèreté blâmable ou de faute dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce.



Dès lors, la demande de dommages et intérêts du docteur [I] à l'encontre de l'ONIAM est déclarée irrecevable.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :



La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.



L'ONIAM est condamné aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par Me Carre-Paupart, conseil des consorts [V], par la SELARL Kato et Lefevre et associés, conseil de la CPAM, et par la SCP Grappotte-Benetreau, conseil du groupe hospitalier [18]-[19], qui seuls en font la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



L'ONIAM est condamné à payer aux consorts [V] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes des autres parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



Infirme la décision déférée en ce que les dispositions de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique n'ont pas vocation à s'appliquer et en ce qui concerne l'assistance tierce personne,



Confirme la décision déférée pour le surplus,



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Dit le dommage subi par [F] [V] doit être pris en charge par l'ONIAM sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, 1° du code de la santé publique,



Condamne l'ONIAM à payer à Monsieur [G] [V], Monsieur [C] [V], Monsieur [D] [V], et à Madame [P] [V] la somme totale de 17.037 euros au titre de l'assistance à tierce personne,



Déclare irrecevable la demande du docteur [I] de dommages et intérêts pour procédure abusive,



Condamne l'ONIAM à payer à Monsieur [G] [V], Monsieur [C] [V], Monsieur [D] [V], et à Madame [P] [V] une indemnité totale de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne l'ONIAM aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par Me Carre-Paupart, conseil des consorts [V], par la SELARL Kato et Lefevre et associés, conseil de la CPAM, et de la SCP Grappotte-Benetreau, conseil du groupe hospitalier [18]-[19] conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,



Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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