25 avril 2024
Cour d'appel de Paris
RG n° 23/15966

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 25 AVRIL 2024



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/15966 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIJTG



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Septembre 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 23/51055





APPELANTE



Mme [I] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Louis-marie LONGIN de la SAS IMPULSA AEC, avocat au barreau de PARIS, toque : C2136, présent à l'audience





INTIMES



M. [S] [C], agissant en qualité de liquidateur amiable de la S.C.I. CHARETTE

[Adresse 2]

[Localité 3]



S.C.I. CHARRETTE, RCS de Paris sous le n°800 801 722, prise en la personne de M. [S] [C] en qualité de liquidateur amiable

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentés par Me Dan MIMOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053, présent à l'audience



COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 Mars 2024 en audience publique, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et Michèle CHOPIN, Conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,



Qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL









ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.




*****

EXPOSE DU LITIGE



La SCI Charrette a été constituée par M. [C] et Mme [K] le 24 février 2014, ces derniers détiennent, respectivement, 649 et 351 parts sociales.



Cette société a pour objet l'achat, la vente, l'administration et la gestion de tous biens immobiliers situés en France.



Par décision de l'assemblée générale extraordinaire des associés de la SCI Charrette du 18 février 2020 la dissolution anticipée de la société et sa mise en liquidation amiable à compter du 18 février 2020 a été décidée, nommant M. [C] en qualité de liquidateur.



Par acte de commissaire de justice du 23 janvier 2023, Mme [K] a assigné la SCI Charrette et M. [C] en sa qualité de liquidateur amiable devant le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins de, notamment :


révocation judiciaire du mandat de liquidateur amiable de M. [C] ; désigner un administrateur provisoire pour procéder aux opérations de comptes et liquidation de la SCI Charrette.




Par ordonnance contradictoire du 7 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :




dit n'y avoir lieu à référé s'agissant des demandes de révocation judiciaire du mandat de liquidateur amiable de M. [C] et de désignation d'un administrateur provisoire ;

laissé à chaque partie la charge de ses dépens ;

dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




Par déclaration du 27 septembre 2023, Mme [K] a interjeté appel de cette décision de l'ensemble des chefs du dispositif.



Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 21 novembre 2023, elle demande à la cour de :




infirmer l'ordonnance rendue le 7 septembre 2023 en toutes ses dispositions ;


Statuant à nouveau :


juger qu'elle est recevable et bien fondée en toutes ses demandes et en conséquence ;

ordonner la révocation judiciaire du mandat de liquidateur amiable de M. [C], pris en sa qualité de liquidateur amiable ;

désigner un administrateur provisoire avec mission habituelle et notamment de procéder aux opérations de comptes et de liquidation du solde des actifs de la SCI Charrette en liquidation amiable ;

condamner M. [C] à lui payer de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.








Mme [K] soutient qu'en sa qualité d'associée minoritaire, elle se trouve tant dans l'incapacité de demander la révocation du liquidateur amiable, qui nécessite une décision à la majorité des associés, que dans celle de convoquer une assemblée générale, qui nécessite de réunir trois quarts du capital social.



Elle allègue que l'action en référé est ouverte à un associé qui ne peut user d'autres moyens que judiciaires, afin de mettre fin à un péril imminent, en l'espèce, l'inertie du liquidateur amiable ; que la révocation du liquidateur amiable doit répondre à la sanction d'une faute ou d'un juste motif.



Elle allègue de l'absence d'information délivrée par M. [C], en tant que liquidateur judiciaire, qui se devait d'informer les associés des délais de procédure et des moyens mis en 'uvre pour assurer le recouvrement des créances.



Elle argue encore de l'absence de convocation d'assemblées générales ordinaires par M. [C], qui doivent pourtant se réunir au moins une fois par an pour établir les comptes annuels et rédiger un rapport où le liquidateur rend compte de sa gestion.



Elle rappelle que M. [C] est le gérant et associé unique de la société [C] architectes qui est débitrice, depuis la résiliation d'un bail commercial conclu avec la SCI Charrette du 30 novembre 2018, d'un montant de 63 987,09 euros au titre de loyers impayés ; que M. [C] est donc le seul habilité à procéder aux démarches de recouvrement de la créance de la SCI Charrette ; qu'en ne faisant rien, M. [C] entend liquider la SCI Charrette sans recouvrer cette dette ; qu'il s'agit d'une faute de gestion et d'un conflit d'intérêt absolu.



Elle estime que le fait qu'elle soit mise en demeure directement par l'administration fiscale, en sa qualité d'associé, atteste d'un défaut de paiement par la société.



Elle demande la nomination d'un administrateur provisoire estimant qu'elle est justifiée par l'inaction de M. [C] en sa qualité de liquidateur judiciaire et elle soutient que la dégradation des finances de la SCI Charrette caractérise un dommage imminent pour celle-ci.



Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 22 décembre 2023, M. [C] et la SCI Charrette demandent à la cour, au visa des articles 1353, 1844-7, 1844-8 du code civil et 9 et 872 du code de procédure civile, de :




confirmer l'ordonnance rendue le 7 septembre 2023 en son entier dispositif ;

débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner Mme [K] à leur payer à chacun la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [K] aux entiers dépens.




Les intimés opposent à l'appelante l'inapplicabilité de la procédure de référé, en l'absence de justification du caractère d'urgence, en ce que Mme [K] a attendu trois ans pour saisir le juge afin de solliciter la révocation de M. [C] de son mandat de liquidateur amiable, depuis sa décision par l'assemblée générale mixte des associés du 18 février 2020.



M. [C] et la SCI Charrette soutiennent encore que les conditions de révocation du liquidateur amiable sont identiques à celles de sa désignation sur le fondement de l'article 1844-8 alinéa 2 du code civil. Ils allèguent qu'en l'espèce, M. [C] a été nommé par décision des associés ce qui implique que la révocation de son mandat ne peut être prononcée que par décision des mêmes associés sauf exception de révocation judiciaire possible en cas de faute caractérisée du liquidateur amiable dans l'exercice de son mandat.



Les intimés considèrent que Mme [K] ne rapporte pas la preuve d'une faute dans son obligation d'information à l'égard des associés, en ce qu'aucune correspondance n'a été adressée depuis sa désignation en tant que liquidateur amiable, jusqu'à l'assignation du 23 janvier 2023.

Concernant les comptes, ils allèguent que M. [C] a accompli toutes les diligences nécessaires pour clôturer les opérations de liquidation et qu'il n'exerçait pas son mandat à la date à laquelle les bénéfices de l'exercice 2017 devaient être distribués.



Ils soutiennent que M. [C] a obtenu une exonération à hauteur de 50% des pénalités appliquées par l'administration fiscale, dues en raison de déclarations tardives effectuées par l'ancien expert-comptable à l'époque gravement malade ; que, comme Mme [K], en qualité d'associé, il s'est acquitté du montant des pénalités restant dues à concurrence de sa participation au capital social de la SCI Charrette.



Ils considèrent que les opérations de liquidation sont quasiment achevées et que cette désignation engendrerait pour la société des frais supplémentaires venant en déduction du boni de liquidation des associés.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 février 2024.




SUR CE, LA COUR



Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.



L'article 835 du code de procédure civile, alinéa 1er dispose que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Aux termes de l'article 1844-8 du code civil :



« La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication.



Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des statuts. Dans le silence de ceux-ci, il est nommé par les associés ou, si les associés n'ont pu procéder à cette nomination, par décision de justice. Le liquidateur peut être révoqué dans les mêmes conditions. La nomination et la révocation ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur publication. Ni la société ni les tiers ne peuvent, pour se soustraire à leurs engagements, se prévaloir d'une irrégularité dans la nomination ou dans la révocation du liquidateur, dès lors que celle-ci a été régulièrement publiée.



La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci.



Si la clôture de la liquidation n'est pas intervenue dans un délai de trois ans à compter de la dissolution, le ministère public ou tout intéressé peut saisir le tribunal, qui fait procéder à la liquidation ou, si celle-ci a été commencée, à son achèvement. »



Il en résulte que la révocation intervient dans les mêmes conditions que la nomination, c'est-à-dire, soit conformément aux dispositions expresses des statuts en pareille matière ou par décision collective des associés, soit encore par décision du tribunal s'il a été désigné par cette voie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.



La présente demande n'est pas fondée sur les dispositions des articles L.237-25 et L. 238-2 du code de commerce afférents aux sociétés commerciales et qui prévoient la compétence du président du tribunal s'agissant de la révocation, mais sur les dispositions de l'article 1844-8 du code civil. Si un associé est habilité à demander en justice la révocation pour motif légitime d'un liquidateur nommé par une décision collective des associés, pareille demande, en ce qu'elle suppose de retenir une faute du liquidateur dans l'accomplissement de sa mission, relève du juge du fond et non du juge des référés (CA Versailles, 12 oct. 2011, n° 10/0705).



L'appelante ne réclame d'ailleurs pas la désignation d'un nouveau liquidateur mais d'un administrateur provisoire. Elle ne fonde pas davantage ses demandes sur les dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile qui déterminent les pouvoirs du juge des référés.



Elle ne justifie pas non plus de la moindre mise en demeure, ni même d'aucune correspondance adressée au liquidateur amiable depuis sa désignation le 18 février 2020 et jusqu'à l'introduction de l'instance, afin d'obtenir notamment des éléments d'information ou la justification de diligences.



M. [C] démontre avoir obtenu en 2022 une exonération de pénalité de l'administration fiscale à la suite d'une déclaration tardive antérieurement à sa désignation.



C'est en outre à bon droit que le premier juge a retenu que la condition d'urgence, prévue par l'article 834 du code de procédure civile, n'était pas remplie, les motifs de la cour sur le défaut de pouvoir du juge des référés, s'ajoutant aux motifs pertinents du premier juge.



L'ordonnance déférée sera confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande de révocation, comme de celle au titre de la nomination d'un administrateur provisoire.



Sur les demandes accessoires



Le premier juge a fait une exacte appréciation du sort des dépens et des frais irrépétibles.



A hauteur d'appel, Mme [K] sera condamnée aux dépens mais l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties leurs frais irrépétibles.



PAR CES MOTIFS



Confirme la décision déférée ;



Y ajoutant,



Condamne Mme [K] aux dépens d'appel ;



Rejette le surplus des demandes, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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