25 avril 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 23/06245

Chambre civile 1-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 23/06245 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WCFQ



AFFAIRE :



S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AUXILIAIRE CINEMATOG RAPHIQUE DITE 'SCI SCIAC'



C/

Association VISION DU MONDE









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 07 Août 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE

N° RG : 23/00979



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25.04.2024

à :



Me Chantal DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Anne-lise ROY, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AUXILIAIRE CINEMATOGRAPHIQUE DITE S.C.I.A.C.

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.



[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentant : Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462 - N° du dossier 178/23

Ayant pour avocat plaidant Me François MAINETTI, du barreau de Paris





APPELANTE

****************



Association VISION DU MONDE

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentant : Me Anne-lise ROY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 343

Ayant pour avocat plaidant Me Amélie VATIER, du barreau de Paris





INTIMEE

****************



Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,








EXPOSE DU LITIGE



Par acte sous seing privé du 15 juillet 2013, l'association Vision du Monde, a pris à bail commercial l'entier immeuble situé [Adresse 4] à [Localité 6] appartenant à la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA.



Le bail a été consenti pour une durée de neuf années à compter du 1er octobre 2013 et moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 200 000 euros, payable trimestriellement et d'avance.



Le dépôt de garantie a été fixé à la somme de 50 000 euros.



Par exploit d'huissier du 28 mars 2022, le preneur a donné congé du bail au 30 septembre 2022.



Le 30 septembre 2022, l'état des lieux a été dressé en présence d'un huissier.



Reprochant au bailleur d'avoir restitué partiellement le dépôt de garantie, par acte du 13 avril 2023, l'association Vision du Monde a fait assigner en référé la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA aux fins d'obtenir principalement sa condamnation au paiement des sommes de 26 233,76 euros et 17 250 euros.



Par ordonnance contradictoire rendue le 7 août 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

- donné acte à la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA qu'elle s'engage à payer sous 15 jours à la demanderesse la somme de 17 250 euros retenue au titre des charges, et l'y condamne au besoin,

- condamné la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA à payer à l'association Vision du Monde la somme provisionnelle de 26 233,76 euros retenue au titre de travaux de remise en état,

- dit que ces sommes porteront intérêts légaux à compter de l'assignation,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de capitalisation des intérêts,

- condamné la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA aux dépens de l'instance,

- condamné la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA à payer à l'association Vision du Monde la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire.



Par déclaration reçue au greffe le 29 août 2023, la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

- donné acte à la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA qu'elle s'engage à payer sous 15 jours à la demanderesse la somme de 17 250 euros retenue au titre des charges, et l'y condamner au besoin,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de capitalisation des intérêts.



Dans ses dernières conclusions déposées le 15 décembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA demande à la cour de :

'- infirmer l'ordonnance rendue le 07 août 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'elle a :

- « condamné la S.C.I. SCIAC à payer à l'association Vision du Monde la somme provisionnelle de 26 233,76 euros retenue au titre de travaux de remise en état,

- dit que ces sommes porteront intérêts légaux à compter de l'assignation,

- condamné la S.C.I. SCIAC aux dépens de l'instance,

- condamné la S.C.I. SCIAC à payer à l'association Vision du Monde la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la S.C.I. SCIAC tendant à la condamnation de l'association Vision du Monde aux dépens. »

et statuant à nouveau,

- débouter l'association Vision du Monde de ses demandes, fins et prétentions,

constatant l'existence d'une contestation sérieuse,

- dire n'y avoir lieu à référé,

- l'association Vision du Monde, sera condamnée à supporter les entiers dépens tant de première instance que d'appel et à payer à la SCIAC une somme de 5 000 euros au titre des dispositions l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel. '



Dans ses dernières conclusions déposées le 13 novembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'association Vision du Monde demande à la cour, au visa des articles 835 alinéa 2 du code de procédure civile et 1103 du code civil, de :

' - confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Nanterre dans l'ensemble de ses dispositions,

en conséquence :

- débouter la S.C.I. S.C.I.A.C. de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la S.C.I. S.C.I.A.C. à payer à l'association Vision du Monde la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.'



L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2024.




MOTIFS DE LA DÉCISION



A titre liminaire, il convient de constater que la société SCIAC ne conteste pas le chef de dispositif de l'ordonnance querellée au terme duquel il lui est donné acte qu'elle s'engage à payer sous 15 jours à la demanderesse la somme de 17 250 euros retenue au titre des charges.



Sur la demande de provision



La société SCIAC expose que la somme de 26 233, 76 euros qu'elle a déduit du montant du dépôt de garantie restitué à l'association Vision du monde correspond à la facture de la société Renov Corail intervenue après le départ de sa locataire.



Elle fait valoir en effet avoir dû enlever le revêtement en bois aggloméré que l'association Vision du monde avait fait poser sur le sol des bureaux, indique que la moquette qui se trouvait en dessous n'était plus utilisable et soutient que le pré-état des lieux fourni par la locataire n'est pas contradictoire et ne correspond pas aux prescriptions du contrat.



Soulignant que les désordres affectant la moquette étaient indécelables jusqu'à la dépose des panneaux de bois, la société SCIAC affirme que l'association Vision du monde n'a pas respecté ses obligations contractuelles de remettre les lieux dans leur état originel et en déduit qu'existe une contestation sérieuse à la demande de restitution du dépôt de garantie formée par l'intimée.



L'association Vision du monde indique qu'un pré-état des lieux a été réalisé le 28 juillet 2022, soit deux mois avant son départ, qui a permis de fixer contradictoirement le relevé des réparations locatives à la charge du preneur, suivi d'un état des lieux le 30 septembre 2022 qui a constaté que cette remise en état avait été réalisée.



Elle conclut en conséquence à la confirmation de l'ordonnance litigieuse en ce qu'elle a condamné la société SCIAC à lui restituer la somme de 26 233, 76 euros, faisant valoir qu'aucune contestation ne s'y oppose dès lors que le bailleur n'a émis aucune réclamation au titre de la remise en état des sols lors de la visite du 28 juillet 2022 et n'a d'ailleurs fait réaliser les travaux qu'il allègue que plus de trois mois après son départ, soit postérieurement au délai dont il disposait pour lui restituer son dépôt de garantie.



Sur ce,



Selon l'alinéa 2 de l'article 835 du code de procédure civile :'Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il (le président ) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.



Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse.



À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.



Aux termes de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. En l'espèce, le principe est la restitution du dépôt de garantie au locataire et il appartient à la SCIAC de démontrer que la retenue qu'elle a effectuée au titre des réparations locatives n'est pas sérieusement contestable.



Il est constant qu'en application du contrat de bail commercial conclu entre les parties le 10 juillet 2013, l'association Vision du Monde a versé à la SCIAC un dépôt de garantie de 50 000 euros.



Ce contrat prévoyait notamment :

- en son article 16 que le preneur s'engageait à 'prendre les lieux loués dans l'état constaté par exploit d'huissier et les entretenir pendant toute la durée du bail en bon état de réparations et d'entretien et les rendre en fin de bail exempts de réparations à faire autre que locatives et hors vétusté',



-en son article 25, que le preneur était tenu 'en cas de congé non suivi de renouvellement de bail et deux mois au plus tard avant le jour de l'expiration de celui-ci ou celui de son départ effectif, s'il a lieu à une autre date, de faire procéder contradictoirement à l'état des locaux loués en présence d'un huissier qui comportera le relevé des réparations locatives à exécuter le cas échéant avant la date prévue pour son départ effectif, sous le contrôle de l'architecte du bailleur. Un nouvel état des lieux sera effectué le jour de la remise définitive des clefs au bailleur, aux frais partagés entre le bailleur et le preneur pour constater la bonne exécution des travaux et réparations convenues par les parties.'



L'association Vision du Monde a donné congé à la SCIAC le 28 mars 2022, à effet au 30 septembre 2022.



La SCIAC a déduit le 28 décembre 2022 du montant du dépôt de garantie à restituer la somme de 26 233, 76 euros au titre de 'retenue travaux sortie' qui correspond à la facture de la société Renov Corail du 17 janvier 2023 relative à :

- des travaux de peinture des bureaux 5 et 6 pour 1 052, 99 euros HT,

- des travaux de dépose du bois et pose de moquettes dans plusieurs bureaux pour le solde.



Or, si l'état des lieux de sortie établi par huissier le 30 septembre 2022 fait apparaître que le sol de plusieurs bureaux, qui était recouvert de moquette lors de l'entrée dans les lieux, présentait un revêtement en aggloméré au départ de la locataire, il convient de constater que la SCIAC ne justifie avoir présenté aucune demande de remise en état à l'association Vision du Monde à ce titre, et ce alors qu'il est démontré qu'un pré-état des lieux a eu lieu conformément aux prescriptions contractuelles.



En effet, les deux parties versent aux débats un courriel officiel adressé par le conseil de l'intimée à celui de la bailleresse le 28 juillet 2022 indiquant notamment : 'Je fais suite à la réunion valant pré état des lieux avant la prise d'effet du congé à effet au 30 septembre prochain. Je rappelle à toutes fins que cette réunion avait été demandée par le preneur par LRAR du 25 juin 2022 et ce conformément aux dispositions du bail (...). Le mandataire du bailleur a répondu, par email du 4 juillet positivement pour l'organisation de cette réunion à laquelle le bailleur a fait le choix d'être représenté par Mme [T] et vous-même. Étaient également présents Mme [L] [V], directrice générale de Vision du Monde, que j'assistais.(...) Au cours de cette réunion les locaux ont été visités et comparés à l'état des lieux d'entrée, annexé au bail (...).

Le relevé des réparations locatives à la charge de l'association Vision du Monde a été contradictoirement arrêté comme suit :

- couloir du sous-sol : changer deux dalles tachées du faux plafond

- au premier niveau après escalier depuis rue (1er étage sur procès-verbal de constat) au niveau du 3ème bureau et devant la porte, peindre le côté écaillé,

- au deuxième étage : reprendre la porte donnant accès au dégagement entre bureaux.'



Si ce document émane d'une seule partie, il est cependant constant que la SCIAC, qui le produit, en a eu connaissance, et celle-ci ne verse aux débats aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait elle-même établi un autre compte-rendu de la réunion du 28 juillet ou entendu contredire la liste des désordres telle que mentionnée dans ce courriel.





Dès lors que la présence de bois aggloméré au sol à la place de la moquette originelle constituait un élément nécessairement apparent lors de la visite du 28 juillet 2022, il appartenait à la bailleresse, si elle estimait qu'une remise en état s'imposait à ce titre, d'en informer l'association Vision du Monde, ce dont elle ne justifie pas, étant souligné que le revêtement en bois était en état correct au regard du procès-verbal de constat et des photographies produits.



En outre, les moquettes étaient majoritairement en 'état d'usage' lors de l'entrée dans les lieux et, après une occupation de près de 10 années, l'application de la clause du bail relative à la vétusté doit être discutée.



Pour les mêmes motifs, la retenue opérée au titre de la peinture des bureaux 5 et 6, qui n'avait pas été sollicitée lors du pré-état des lieux, n'est pas justifiée avec l'évidence requise.



En conséquence, il existe une contestation sérieuse sur le principe de condamnation de l'association Vision du Monde au paiement des travaux de remise en état et, partant, sur la retenue opérée par la bailleresse. L'ordonnance querellée sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la SCIAC à verser à l'intimée la somme provisionnelle de 26 233, 76 euros à ce titre.



Sur les demandes accessoires



L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.



Partie perdante, la SCIAC ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d'appel.



Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à l'association Vision du Monde la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,



Confirme l'ordonnance attaquée ;



Y ajoutant,



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;



Condamne la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA à verser à l'association Vision du Monde la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la Société Civile Immobilière et Auxiliaire Cinematog RA aux dépens d'appel.



Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le greffier, Le président,

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