25 avril 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/02242

Chambre sociale 4-5

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 22/02242

N° Portalis DBV3-V-B7G-VKFV



AFFAIRE :



[I] [G]





C/

ASSOCIATION MANDATAIRE A LA PROTECTION DES MAJEURS dite ATIVO









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Section :

N° RG : F 20/00352



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL SELARL CAP TOUT DROIT



la SCP PARUELLE ETASSOCIE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [I] [G]

née le 28 Novembre 1963 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Robert DUPAQUIER de la SELARL SELARL CAP TOUT DROIT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 15







APPELANTE

****************





ASSOCIATION MANDATAIRE A LA PROTECTION DES MAJEURS dite ATIVO

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Gilles PARUELLE de la SCP PARUELLE ETASSOCIE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 02 - Substitué par Me Fayçal NAKIB, avocat au barreau de VAL D'OISE







INTIMEE

****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,



Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,
















EXPOSE DU LITIGE



Par contrat de travail à durée indéterminée du 29 septembre 2004, Mme [I] [G] a été engagée par l'association Mandataire à la protection des majeurs du Val d'Oise, dite ATIVO, à compter du 1er octobre 2004, en qualité de secrétaire, agent principal administratif. Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions de mandataire judiciaire à la protection des majeurs à temps partiel.



Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale du travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.



Par déclaration au greffe du 17 novembre 2020, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin, notamment, d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.



Par jugement du 1er juillet 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- débouté Mme [G] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté l'association mandataire à la protection des majeurs du Val d'Oise ' Ativo, de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les entiers dépens de l'instance à la charge de Mme [G].



Par déclaration au greffe du 15 juillet 2022, Mme [G] a interjeté appel de cette décision.



Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 13 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [G] demande à la cour d'infirmer totalement la décision et statuant à nouveau, de :

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec Ativo, aux torts exclusifs de l'employeur et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'Ativo à lui verser les sommes suivantes :

* 19 199,97 euros au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (9 mois de salaire),

* 4 266, 66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

* 426, 66 euros au titre des indemnités de congés payés,

* 9 599,96 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 10 000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 8 000 euros au titre de dommages et intérêts pour discrimination,

* 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

avec intérêt légal,

- ordonner à l'Ativo de lui remettre les documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, certificat de travail et reçu de solde tout compte),

- dire et juger que le montant des condamnations portera intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner l'Ativo à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'Ativo aux entiers dépens.



Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 13 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, l'association Mandataire à la protection des majeurs du Val d'Oise dite Ativo demande à la cour de :

*confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté Mme [G] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes indemnitaires,

reçu l'Ativo en son appel incident,

* infirmer le jugement, statuant à nouveau,

- condamner Mme [G] à lui payer la somme de 3 000 euros pour la procédure de première instance outre 3 000 euros pour la procédure d'appel,

- condamner Mme [G] aux entiers dépens,

très subsidiairement et pour autant que par impossible la cour estime devoir prononcer la résiliation judiciaire,

- voir fixer le salaire de référence à la somme de 1 485,25 euros,

- voir réduire très sensiblement le montant des indemnités réclamées par Mme [G] et la débouter de sa demande de dommages et intérêts tant pour le harcèlement moral que pour le non-respect de l'obligation de sécurité ainsi que sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 janvier 2024.






MOTIFS DE LA DECISION



Sur le harcèlement moral



Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable aux faits commis à compter de son entrée en vigueur le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui du harcèlement qu'elle allègue avoir subi, la salariée invoque les éléments de faits qui suivent : par mail du lundi 11 juin 2018 dont l'objet est « malaise », Mme [T], assistante de service, a fait part à la responsable de service de ses difficultés à travailler avec Mme [L] à la suite d'une convocation « jeudi dernier pour mettre les choses au clair », du fait qu'elle a été « choquée de son comportement et de son agressivité vis-à-vis de l'équipe », du fait qu'elle les a « clairement menacée de faire un écrit expliquant « tout ce qu'il se passe sur l'antenne à la Direction si nous ne souhaitions pas qu'elle reste parmi nous », indiquant penser que Mme [L] était « prête à faire du tort à l'équipe » et s'engageant « à faire tout ce qu'il faut pour aider l'équipe si le contrat de [M] n'est pas renouvelé, en attendant son remplacement » ; par mail du même jour, Mme [P] a également informé la responsable et ses collègues qu'elle était prête à repasser à un temps plein durant plusieurs semaines en juillet et août en cas de non renouvellement du contrat de travail à durée déterminée de Mme [L] ; pareillement, le mail de la salariée envoyé à cette même date mentionne l'envoi d'un « rapport quant aux incidents graves qui ont eu lieu dans notre antenne » et, à la demande de sa responsable le fait qu'elle est d'accord pour pallier les urgences de l'été si cela s'avérait nécessaire ; par mail du 26 juin 2016, la salariée a indiqué vouloir poser une question aux délégués du personnel à la suite de l'envoi d'un rapport, puis, par mail du 28 juin 2018, elle s'est interrogée sur le non-positionnement de la direction alors que celle-ci était avertie d'insultes publiques sur le lieu de travail, évoquant des insultes et menaces ayant eu lieu devant témoins et dont la directrice avait été informée au moyen de son rapport et lors d'entretiens avec deux de ses collègues, dont Mme [T], ainsi que par la responsable de service ; dans son rapport adressé à la directrice, cette même responsable écrit notamment : « Le jeudi 7 juin 2018, alors que j'étais absente, une altercation verbale a eu lieu entre Madame [L] (déléguée mandataire CDD, en remplacement de Madame [F] [D]) et Madame [G] (déléguée mandataire). Le vendredi 8 juin 2018 au matin, Madame [I] [G] est venue me faire un rapport sur son intervention du mardi au Tribunal de Nanterre. Puis, Madame [G] m'a fait part de l'incident de la veille. Madame [L] est alors entrée brusquement dans mon bureau sachant que j'étais en entretien avec Madame [G] : et c'est bien pour cela qu'elle a fait irruption sans cri et égard, pour dénoncer des faits et voulait qu'on s'explique immédiatement avec l'ensemble de l'équipe. Une réunion a donc eu lieu dans la matinée. Etaient présents Mesdames [I] [G], [O] [B], [M] [L], [H] [T], [Z] [P] et moi-même. Madame [L] a tout de suite pris la parole et a commencé à se plaindre de l'équipe et a dénigré l'ensemble des collègues en haussant le ton. Madame [L] est devenue très agressive verbalement (menaces et insultes) à l'encontre de Madame [G] qui a pris peur et a quitté la réunion. J'ai tenté de les calmer à plusieurs reprises mais en vain. Il n'y a pas eu de contacts physiques. A la suite de ces faits, s'en est suivi d'un arrêt maladie pour chacune d'elle' » ; les mails envoyés le 7 juin 2018 par Mme [T] et par la salariée concordent en ce qu'ils font le lien entre le départ de Mme [L], son non-remplacement, et un engagement de la première à aider l'équipe et un accord de la seconde pour pallier les urgences ; par mail du 23 septembre 2018 adressé au président, dont l'objet est « ATIVO -Rapport d'incident Site de [Localité 6] », la salariée lui a fait part notamment des événements des 6 et 7 juin 2018, du surcroît de travail engendré par le départ de Mme [L] et de la redistribution de ses dossiers, au nombre de 15 la concernant, portant ainsi les dossiers qu'elle suivait à 67 ; dans ce même mail, elle critique la réembauche de Mme [L] qu'elle a apprise le 18 septembre 2018 ; dans son rapport précité, la responsable de service ajoute notamment ce qui suit : « Mais fin septembre 2018, Madame [G] a appris que Madame [L] était à nouveau embauchée en CDD sur le site de [Localité 7] : rappelons que Madame [G] travaille sur le site de [Localité 6] ( situé à plus de 40 km du site de [Localité 7]). S'en est suivi d'un arrêt maladie pour Madame [G] qui n'a jamais repris le travail depuis cette date. »



La salariée produit ses arrêts de travail qui mentionnent, notamment, un épuisement professionnel, des troubles anxieux, de l'humeur et du sommeil. Il en ressort qu'à compter du 9 juin 2018, Mme [G] a bénéficié d'un arrêt de travail et de prolongations de celui-ci au titre d'un accident du travail situé au 7 juin 2018. Les arrêts de prolongations produits ont été établis pour les périodes du 16 au 29 juin 2018, du 21 septembre au 5 octobre 2018, du 19 octobre au 12 novembre 2018, du 12 novembre 2018 au 11 janvier 2019, du 11 au 13 janvier 2019, du 29 janvier au 7 février 2019, du 8 février au 13 mars 2019, du 14 mars au 12 avril 2019, du 12 avril au 12 mai 2019, et du 13 mai au 1er juillet 2019.



Les éléments de fait sus-énoncés, y compris les éléments médicaux, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.



L'employeur ne prouve pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. S'il évoque des mails de la salariée avec ses collègues « emprunts de virulence », il ne produit aucun élément susceptibles de remettre en cause les écrits de la salariée qu'il confirme avoir reçus notamment dans son mail du 9 octobre 2018, comme les faits dénoncés par celle-ci au sujet du comportement agressif, insultant et menaçant de Mme [L] qui ont généré l'envoi de mails par d'autres collègues de celle-ci et dont l'existence est en grande partie confirmée par le rapport de la responsable de service. De même, s'il affirme qu'un accroissement de la charge de travail, en indiquant : « pour autant qu'il existe », n'est pas constitutif d'une dégradation des conditions de travail, il n'apporte aucun élément utile sur la charge de travail de la salariée à la suite du départ de l'antenne de Mme [L] alors que concomitamment à ce départ les collègues de celle-ci qui se plaignaient de son comportement consentaient à un effort supplémentaire dans l'hypothèse où son contrat ne serait pas renouvelé. Il ne justifie pas non plus de l'aide alléguée censée compenser ce départ alors qu'il n'est pas utilement contredit que la seule réembauche qui a suivi les événements rapportés par la responsable de service est celle de Mme [L] sur un autre site peu après le non-renouvellement de son contrat de travail à durée déterminée, réembauche qui est évoquée par ce même rapport.



En conséquence de l'ensemble de ce qui précède, le harcèlement moral est établi. Au vu des éléments d'appréciation, en prenant en considération notamment la nature et la durée des agissements subis, il convient d'allouer à la salariée, à titre de réparation intégrale du préjudice subi du fait de ce harcèlement, des dommages-intérêts d'un montant de 3 000 euros.



Ainsi, le jugement doit être infirmé de ce chef.



Sur la discrimination



L'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions relatives au principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



La salariée invoque une discrimination à raison de son handicap. Elle produit une décision qui lui a été notifiée par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val d'Oise du 5 décembre 2012 lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2016, renouvelée par décision du 16 novembre 2016 pour la période du 1er novembre 2016 au 31 octobre 2021. Toutefois, elle ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de son handicap en se bornant à évoquer sa charge de travail et l'absence de mesures pour assurer et protéger sa santé.



La salariée sera donc déboutée de ses demandes au titre d'une discrimination. Le jugement est dès lors confirmé de ces chefs.



Sur la résiliation judiciaire



Il est reconnu au salarié la possibilité de poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement par ce dernier à ses obligations.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.

La résiliation judiciaire produit ses effets au jour où le juge la prononce, à la double condition que le contrat de travail n'ait pas été rompu durant la procédure et que le salarié soit encore au service de son employeur. Si le salarié est licencié dans l'intervalle, la prise d'effet est nécessairement située au jour du licenciement.

A l'appui de sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée soutient que l'employeur a commis divers manquements au titre de l'obligation de prévention et de sécurité, notamment en matière de harcèlement moral.



Il résulte de l'article L. 4121-1 que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale, notamment en matière de harcèlement moral, s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.



L'employeur, qui ne justifie pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à faire cesser les agissements de harcèlement moral subis par la salariée après en avoir été alerté par divers canaux, notamment par des mails tel qu'évoqué supra, ni à prévenir tout risque à cet égard, et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de celle-ci, a manqué à son obligation de sécurité.



Il est rappelé à cet égard les nombreux arrêts de travail produits, mentionnés ci-dessus, notamment pour épuisement professionnel, troubles anxieux, de l'humeur et du sommeil, jusqu'au 1er juillet 2019.



L'employeur ne démontre pas non plus avoir satisfait à ses obligations prévues par les articles R. 4624-31 et suivants du code du travail, dans leurs versions applicables au litige, en matière de visite de reprise.



En l'espèce, les manquements de l'employeur à ses obligations de prévention et de sécurité retenus ci-dessus constituent des comportements fautifs suffisamment récents et graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail puisqu'ils étaient de nature à empêcher la poursuite de ce contrat.

La résiliation judiciaire du contrat de travail sera donc prononcée à la date de l'arrêt et celle-ci produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est dès lors infirmé sur ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'obligation de sécurité

La salariée, qui ne justifie d'aucun préjudice distinct découlant de l'obligation de sécurité, ni, par ailleurs, de l'obligation de prévention, sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée de ce chef. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déboute la salariée de cette demande de dommages-intérêts.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

En application des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, et au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, la salariée est fondée à prétendre, compte tenu du prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, à une indemnité compensatrice de préavis, pour un préavis de deux mois, d'un montant de 4 266,66 euros brut, outre 426,66 euros brut de congés payés afférents.

L'employeur sera donc condamné au paiement de ces sommes et le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur l'indemnité légale de licenciement

En application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail, et au vu des éléments d'appréciation, la salariée est fondée à prétendre à une indemnité légale de licenciement d'un montant de 9 599,96 euros.

L'employeur sera condamné au paiement de cette somme. Le jugement est également infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Par application des dispositions des articles L. 1235-3 et 1235-3-2 du code du travail, la salariée, qui compte 19 années complètes d'ancienneté au moment de la rupture, peut prétendre à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 3 mois de salaire brut et le montant maximal de 15 mois de salaire brut.

En raison de l'âge de la salariée au moment de la rupture, 60 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi, la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les intérêts légaux

Les créances d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail qui leur a donné naissance, soit à compter du présent arrêt.

La créance de dommages-intérêts pour harcèlement moral et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont également productives d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

Sur la remise des documents

Compte tenu de la solution du litige, il y a lieu de faire droit à la demande de remise d'une attestation destinée à Pôle Emploi, devenu France Travail, d'un reçu pour solde de tout compte et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt. Le jugement est dès lors infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit de la salariée à laquelle est allouée la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par l'employeur, partiellement succombant.



PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il déboute Mme [I] [G] de ses demandes de dommages-intérêts au titre d'une discrimination et de l'obligation de sécurité ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [I] [G] aux torts de l'association Mandataire à la protection des majeurs du Val d'Oise dite Ativo ;

Dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association Mandataire à la protection des majeurs du Val d'Oise dite Ativo, à payer à Mme [I] [G] les sommes suivantes :

* 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 4 266,66 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 426,66 euros brut de congés payés afférents,

* 9 599,96 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

Dit que ces créances sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne l'association Mandataire à la protection des majeurs du Val d'Oise dite Ativo à remettre à Mme [I] [G] une attestation destinée à Pôle Emploi, devenu France Travail, un reçu pour solde de tout compte et un certificat de travail, conformes au présent arrêt ;

Condamne l'association Mandataire à la protection des majeurs du Val d'Oise dite Ativo à payer à Mme [I] [G] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne l'association Mandataire à la protection des majeurs du Val d'Oise dite Ativo aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le greffier, Le président,

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