25 avril 2024
Cour d'appel de Versailles
RG n° 22/03839

Ch.protection sociale 4-7

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88U



Ch.protection sociale 4-7





ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 22/03839 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VTDK



AFFAIRE :



[E] [Y] ÉPOUSE [M]





C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE VAL D'OISE

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2022 par le Pole social du TJ de PONTOISE

N° RG : 20/00359





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS



CPAM DU VAL D'OISE



CRAMIF IDF



Copies certifiées conformes délivrées à :



[E] [Y] ÉPOUSE [M]



CPAM DU VAL D'OISE



CRAMIF IDF







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [E] [Y] ÉPOUSE [M]

[Adresse 3]

[Localité 6] / FRANCE



représentée par Me Tiphaine SELTENE de la SELARL SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 112





APPELANTE

****************



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE VAL D'OISE

[Adresse 2]

[Localité 5] / FRANCE



non comparante, ni représentée

Dispensée de comparaître par ordonnance du 12 février 2024



CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRAN CE

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE



représentée par Mme [J] [X], en vertu d'un pouvoir spécial





INTIMÉES

****************





Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Février 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, Conseillère,



Greffière, lors des débats : Madame Zoé AJASSE,










EXPOSÉ DU LITIGE



Le 28 juin 2018, la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France (la CRAMIF) a attribué à Mme [E] [Y] épouse [M] (l'assurée) une pension d'invalidité de 2ème catégorie, à effet au 1er août 2018, 'en raison d'une réduction des 2/3 au moins de la capacité de travail ou de gain'.



À la suite de sa contestation relative à la date de stabilisation, une expertise technique a été rendue le 20 novembre 2018, par le médecin-conseil, le Dr [W], lequel a confirmé que la stabilisation de l'état de santé de l'assurée était acquise au 31 juillet 2018.



Le 27 mai 2020, l'assurée a contesté l'opposabilité de cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire de Pontoise, à l'encontre d'abord de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise (la caisse). Le tribunal judiciaire a fait attraire la CRAMIF dans le litige.



Le pôle social du tribunal judiciaire de Pontoise, par jugement du 2 décembre 2022, a rejeté l'ensemble des demandes de l'assurée et l'a condamnée aux dépens.



L'assurée a relevé appel de cette décision. Les parties ont été convoquées à l'audience du 28 février 2024.



Par conclusions écrites, déposées à l'audience par le biais de son conseil, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'assurée demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré,

- de juger que la décision de la CRAMIF en attribution d'une pension d'invalidité de catégorie 2, ne lui est pas opposable,

- d'ordonner une mesure d'expertise pour 'déterminer ou non la stabilisation de son état de santé',

- de condamner la caisse et la CRAMIF aux dépens.



Au soutien de ses demandes, l'assurée précise d'abord qu'elle a subi un accident du travail le 27 janvier 2016, ayant entraîné des douleurs lombaires, que les docteurs [O] et [B] ont fixé la consolidation au 10 juin 2017, et qu'elle a contesté cette décision, en vain, devant la commission de recours amiable.

Au soutien de sa demande d'inopposabilité de la décision d'attribution de la pension d'invalidité, elle estime que le principe du contradictoire n'a pas été respecté puisqu'elle n'a pas eu connaissance de la décision de la CRAMIF ni du rapport du Dr [W] et qu'elle a appris qu'elle bénéficiait de cette pension, uniquement le 5 mars 2019 lors de la consultation du site Internet de la CRAMIF.

Enfin, elle assure que sa stabilisation n'était pas acquise au 31 juillet 2018, en raison de ses hospitalisations peu de temps avant cette date (en avril, juin et juillet 2018), pour des douleurs lombaires.



Par conclusions reçues le 14 février 2024 au greffe, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse, dispensée de comparution par ordonnance du 12 février 2024, demande à la cour

de confirmer le jugement et de débouter l'assurée de toutes ses demandes.



La caisse soutient que les avis des médecins-conseil de la caisse sont suffisamment clairs et précis concernant la date de stabilisation fixée au 31 juillet 2018 et que l'assurée n'apporte pas d'élément médicaux de nature à justifier la mise en oeuvre d'une expertise.



Par conclusions écrites, déposées à l'audience par le biais de son représentant, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et celui plus complet des prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la CRAMIF demande à la cour de confirmer le jugement et de débouter l'assurée de toutes ses demandes.



La CRAMIF soutient l'assurée ne peut demander l'inopposabilité d'une décision d'octroi de pension. Sur la demande d'expertise, comme la caisse, elle estime que l'assurée ne rapporte pas d'éléments qui pourraient aller à l'encontre des deux avis des médecins-conseils de la caisse et qui fixent la date de stabilisation au 31 juillet 2018, de manière claire et précise.



Seule l'assurée sollicite la condamnation de la caisse et de la CRAMIF à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.






MOTIFS DE LA DÉCISION



L'article L. 341-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige dispose que l'état d'invalidité est apprécié en tenant compte de la capacité de travail restante, de l'état général, de l'âge et des facultés physiques et mentales de l'assuré, ainsi que de ses aptitudes et de sa formation professionnelle :

1°) soit après consolidation de la blessure en cas d'accident non régi par la législation sur les accidents du travail ;

2°) soit à l'expiration de la période pendant laquelle l'assuré a bénéficié des prestations en espèces prévues à l'article L. 321-1 ;

3°) soit après stabilisation de son état intervenue avant l'expiration du délai susmentionné ;

4°) soit au moment de la constatation médicale de l'invalidité, lorsque cette invalidité résulte de l'usure prématurée de l'organisme.



Aux termes de l'article L. 341-8 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, issue du décret 85-1353 du 21 décembre 1985, si la caisse primaire d'assurance maladie n'en a pas pris l'initiative, l'assuré social peut déposer lui-même une demande de pension d'invalidité, qui, pour être recevable, doit être présentée dans un délai déterminé.



L'article R. 341- 9 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, issue du décret 85-1353 du 21 décembre 1985, prévoit que la caisse primaire statue sur le droit à pension après avis du contrôle médical dans le délai de deux mois à compter, soit de la date à laquelle elle a adressé à l'assuré la notification prévue au deuxième alinéa de l'article R. 341-8. Elle apprécie notamment, en se conformant aux dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-3, si l'affection ou l'infirmité dont l'assuré est atteint réduit au moins des deux tiers sa capacité de gain.

Elle détermine la catégorie dans laquelle l'assuré doit être classé aux termes de l'article L. 341-4.

Elle notifie sa décision à l'intéressé avec demande d'avis de réception.



En l'espèce, à la suite de l'accident du travail le 27 janvier 2016, l'assurée a perçu des indemnités journalières 'accident du travail' du 28 janvier 2016 au 10 juin 2017.

Puis, par courrier du 2 juin 2017, la caisse a notifié à l'assurée que la consolidation de son état pouvait être fixée au 10 juin 2017, ce qui a été contesté par l'assurée.

Le 20 septembre 2017, médecin-conseil de la caisse, le Dr [B], a, lors de son expertise, confirmé la date de consolidation et précisé qu'il existait 'une affection autre que les séquelles de l'accident du travail justifiant une suite d'arrêt de maladie'.

L'assurée a formé un recours devant la commission de recours amiable (CRA), lequel a été rejeté par décision du 6 février 2018 notifiée le 9 mars 2018 à l'assurée.



L'assurée a ensuite perçu des indemnités journalières, au titre de la maladie, du 11 juin 2017 au 31 juillet 2018.

Le 12 juin 2018, suite à l'initiative de la caisse conformément à l'article L. 341-8 du code de la sécurité sociale, le médecin-conseil a formulé un avis favorable au bénéfice d'une pension d'invalidité de catégorie 2 avec effet au 1er août 2018, estimant que son état était stabilisé au 31 juillet 2018.

Suite à la contestation de l'assurée, une expertise a été rendue par le médecin conseil le Dr [W], confirmant la date de stabilisation.

L'assurée a ensuite contesté le 17 janvier 2020, la décision d'attribution de la pension devant la CRA, ayant entraîné une décision de refus implicite.



Au stade de l'appel, l'assurée conteste d'une part, le respect du principe du contradictoire par la caisse lors de la procédure d'attribution de la pension d'invalidité et d'autre part, la décision elle-même, attribuant la pension d'invalidité sur la base d'une date de stabilisation, non acquise selon elle. Elle sollicite pour ce faire que soit ordonnée une expertise.



Sur le respect du principe du contradictoire:



L'assurée critique le fait que ni le rapport du Dr [W], ni la décision de pension d'invalidité, ne lui ont été notifiés et que dès lors, la décision lui est devenue inopposable.



Ce moyen avait été évoqué devant le tribunal judiciaire, qui l'avait écarté. Il convient à cet égard de préciser que les premiers juges avaient qualifié cette demande de demande en 'irrecevabilité', qu'ils avaient rejetée, requalifiée aujourd'hui par l'assurée en demande en 'inopposabilité'. Il convient donc d'y répondre précisément.



En cause d'appel, comme cela avait été noté par les premiers juges, la caisse ne rapporte pas la preuve de la notification par lettre recommandée avec avis de réception, de la décision d'attribution de la pension d'invalidité, conformément à l'article R. 341-9 du code de la sécurité sociale.

Cet éventuel manquement n'est cependant pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision litigieuse, comme le soutient l'assurée, mais par la possibilité de sa contestation, le délai n'ayant pas commencé à courir. Ce qui est l'objet du présent litige.



De même, l'assurée évoque l'absence de notification du rapport de l'expert antérieurement à la décision d'attribution prise par la caisse. Cependant, cette carence, à supposer qu'elle soit établie, n'est pas de nature à aboutir à l'inopposabilité, à son égard, de la décision litigieuse.



La demande en 'inopposabilité' de la décision d'attribution de la pension d'invalidité, formée par l'assurée, sera donc rejetée par la cour.



Sur décision de la caisse en attribution de la pension d'invalidité de catégorie 2 et la demande d'expertise :



L'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que quand l'avis technique de l'expert ou du comité prévu pour certaines catégories de cas a été pris dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'Etat auquel il est renvoyé à l'article L. 141-1, il s'impose à l'intéressé comme à la caisse. Au vu de l'avis technique, le juge peut, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise.



L'assurée conteste la fixation de la date de stabilisation au 31 juillet 2017 et même plus largement, le fait même qu'il y ait stabilisation de son état. Elle fait valoir au soutien de sa demande, qu'elle a été hospitalisée peu de temps avant cette date, démontrant ainsi que son état n'était pas stabilisé.



Elle verse ainsi les pièces suivantes:

- le certificat médical du Dr [K] de l'hôpital de [Localité 7], en date du 24 avril 2018, lequel atteste du début de prise en charge de l'assurée, sous la forme d'une hospitalisation dans le service 'médecine et réadaptation', lequel note la limitation dans la vie quotidienne en raison de ses douleurs lombaires mais également une tristesse d'humeur importante,

- le compte-rendu d'hospitalisation du service 'spécialités médicales cardio-vasculaires et réadaptation' du même hôpital, concernant l'hospitalisation de l'assurée, allant du 1er juillet 2018 au 11 juillet 2018, dans lequel le médecin note que l'assurée a été admise pour des 'douleurs lombaires' et que pendant le séjour, les douleurs se sont aggravées.

Il est également précisé que la 'patiente est suivie pour dépression' et que le Dr [Z] qui la suit en psychiatrie, évoque des 'problèmes somatiques, un discours prolixe, délire à tendance mégalomaniaque', ainsi qu'une 'évolution favorable des douleurs sous antalgiques',

- un courrier du Dr [K] adressé au neurologue, le Dr [R], en date du 5 septembre 2018, faisant le constat des douleurs lombaires de l'assurée et de la prédominance de la 'problématique psychiatrique',

- un courrier du Dr [R] adressé au rhumatologue, le Dr [F], en date du 28 septembre 2020, faisant le constat de la persistance des douleurs lombaires de l'assurée et de la nécessité d'une prise en charge pluri-disciplinaire en raison d''éléments thymiques et cognitifs associés',



Le reste des documents médicaux versés, datant de 2019 et 2020, concernent la persistance des douleurs lombaires.



Par ailleurs, le Dr [W], dans son rapport d'expertise, qui s'avère clair et précis, a bien pris en compte les dernières hospitalisations de l'assurée (page 1 de son rapport, pièce 30) allant d'avril à juillet 2018 et juste avant le 31 juillet 2018.



Enfin, la seule persistance des douleurs lombaires jusqu'en 2020, soit après le 31 juillet 2018, ne remet pas en cause la stabilisation de son état de santé au 31 juillet 2018, en dehors de tout autre élément médical de nature à suggérer une aggravation de l'état de santé.



Ainsi et au vu de l'ensemble de ces éléments, compte tenu des conclusions dénuées d'ambiguïtés de l'expertise technique, il convient de rejeter la demande de l'assurée tendant à la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise.



Le jugement sera confirmé sur ce point.



L'assurée, qui succombe, sera condamnée aux dépens et sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.





PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,



CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



Rejette la demande en inopposabilité formée par Mme [E] [Y] épouse [M] ;



Condamne Mme [E] [Y] épouse [M] aux dépens ;



En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme [E] [Y] épouse [M] ;



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, pour Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente empêchée, et par Madame Juliette DUPONT, Greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.





La GREFFIÈRE, P/La PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE,

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