21/11/2023
Audience d'assemblée plénière - Vendredi 24 novembre 2023 - à 9h30 en Grand'chambre puis à 14h sur internet
Pourvois n°20-20.648 et 21-11.330
- Mise à jour : La décision sera rendue le vendredi 22 décembre 2023
À l’occasion de deux affaires de droit social interrogeant le bien-fondé des licenciements décidés par l’employeur, la Cour de cassation se penchera sur la question de savoir si le juge civil peut prendre en compte des preuves que les parties ont obtenues de façon déloyale, par exemple à l’insu d’une personne, en recourant à un stratagème, de manière clandestine ou en violation de la vie privée.
Avertissement : Ce communiqué n’a pas vocation à exposer dans son intégralité la teneur de l’affaire. Il tend à présenter de façon synthétique les principales questions juridiques posées à l’audience.
Les faits et les procédures
Affaire n° 1
Un salarié a saisi la justice afin de contester son licenciement pour faute grave.
Pour apporter la preuve de cette faute, l’employeur a soumis au juge l’enregistrement sonore d’un entretien au cours duquel le salarié a tenu des propos ayant conduit à sa mise à pied.
Cet enregistrement avait été réalisé à l’insu de l’employé.
La cour d’appel a déclaré cette preuve irrecevable, car l’enregistrement avait été réalisé de façon clandestine.
Aucune autre preuve ne permettant de démontrer la faute commise par le salarié, la cour d’appel a jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation.
Affaire n°2
Alors qu’un salarié avait pris des congés, l’intérimaire, chargé de le remplacer, a utilisé son poste informatique.
Le compte Facebook du salarié absent était resté ouvert sur cet ordinateur, laissant l’intérimaire prendre connaissance d’une conversation qui y avait été tenue à son sujet.
Dans cette conversation Facebook, le salarié absent sous-entendait que la promotion dont avait bénéficié l’intérimaire était liée à son orientation sexuelle et à celle de son supérieur hiérarchique.
L’intérimaire a transmis cette conversation à leur employeur. Le salarié ayant tenu ces propos sur Facebook a été licencié pour faute grave, puis il a contesté ce licenciement en justice.
Selon lui, le juge ne pouvait tenir compte de ses conversations Facebook car leur utilisation remettait en cause le principe de loyauté de la preuve et portait atteinte au respect de sa vie privée.
La cour d’appel a écarté des débats cette conversation Facebook.
Aucune autre preuve ne permettant de démontrer la faute commise par le salarié, la cour d’appel a jugé que ce licenciement était sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation.
Ces deux affaires posent une question de principe : elles ont donc été renvoyées devant l’assemblée plénière, formation de jugement la plus solennelle, au sein de laquelle toutes les chambres de la Cour sont représentées.
Les questions posées à la Cour de cassation
Repères : Loyauté de la preuve et droit « à la preuve », quel est l’état du droit ?
Afin de garantir au justiciable son droit d’accès au juge, la Cour de cassation a consacré un droit « à la preuve », c’est-à-dire la possibilité donnée aux parties à un procès de présenter leurs preuves.
La promotion d’un tel principe s’inscrit dans le souci de tenir compte des difficultés probatoires auxquelles peuvent être confrontées les justiciables pour faire la preuve de leurs droits.
Toutefois, la Cour de cassation, dans le souci de garantir l’éthique du débat judiciaire, a fixé des limites à ce principe en consacrant en 2011, par un arrêt d’assemblée plénière, un principe de loyauté dans l’administration de la preuve.
Ainsi, en l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation, lorsqu’une preuve est obtenue de manière déloyale, c’est-à-dire lorsqu’elle est recueillie à l’insu d’une personne, grâce à une manœuvre ou à un stratagème, un juge ne peut pas tenir compte de ce type de preuve.
Ces deux affaires invitent la Cour de cassation à réinterroger l’équilibre qu’elle a établi en 2011 entre le droit « à la preuve » et le principe de loyauté de la preuve.
En effet, les nouvelles technologies ouvrent aux justiciables des perspectives supplémentaires sur la façon de rapporter la preuve de leurs droits, mais elles présentent aussi des risques inédits d’atteintes à des droits fondamentaux (vie privée, secret professionnel…).
C’est dans ce contexte que se pose la question de savoir si la Cour de cassation doit renouveler sa jurisprudence en admettant, sur le modèle de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’une preuve obtenue de manière déloyale peut, sous certaines conditions, être soumise au juge.
La Cour de cassation y répondra au travers des questions posées par ces deux pourvois :
- Affaire n°1 : Un enregistrement sonore réalisé à l’insu d’un salarié, qui fait état de propos ayant conduit à son licenciement, constitue-t-il une preuve valable devant un juge ?
- Affaire n°2 : Un message électronique envoyé sur Facebook, à l’origine d’un licenciement, mais dont la production porte atteinte à la vie privée de son auteur, constitue-t-il une preuve valable devant un juge ?
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